Triomphe de l’Orthodoxie, première semaine du Grand Carême

Depuis plus de dix siècles, le premier dimanche du Grand Carême, l’Église orthodoxe célèbre dans la prière le Triomphe de l’Orthodoxie sur les hérésies. Cette fête a été instaurée en Grèce par l’Église en 843 pour commémorer la restauration de la vénération des icônes saintes, après deux longues périodes d’iconoclasme aux VIIIe et IXe siècles.

Alors, que célébrons-nous ? Au début du Grand Carême, le Triomphe de l’Orthodoxie nous rappelle une vérité essentielle : tout effort spirituel repose sur l’incarnation du Fils de Dieu, devenu pleinement homme. Dieu, que personne n’avait jamais vu, s’est rendu visible et représentable, ouvrant ainsi une nouvelle voie à l’humanité. L’Évangile de ce dimanche (Jean 1, 43-51) montre comment un seul regard sur le Christ transforme profondément la conscience et révèle des vérités inexprimables. En lui, les hommes trouvent le modèle ultime à suivre et la seule véritable mesure de leurs actions, paroles et intentions.

Triomphe de l'orthodoxie, 1 er dimanche de carême

Le Métropolite Antoine (Bloom) de Sourozh nous rappelle dans une homélie en ce temps de carême :

« Nous célébrons aujourd’hui la solennité de l’orthodoxie, mais nous devons nous rappeler que nous célébrons la victoire de Dieu, la victoire de la vérité, la victoire du Christ sur toutes les faiblesses de l’entendement humain. Il ne s’agit pas d’un triomphe des orthodoxes sur les autres religions et les autres peuples, mais de la victoire de Dieu sur nous et, à travers nous, quelle que soit la lumière qui nous habite, ou chez les autres. C’est aussi l’expérience du résultat émotionnel le plus fort d’un effort sincère pour percevoir l’expérience millénaire de l’Église, lorsque l’on s’engage sur le chemin qui lui est tracé avec une confiance totale ».

Le dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie est l’une des célébrations les plus solennelles du Triode du Carême. Il rivalise en importance avec le dimanche de la Vénération de la Croix et n’est surpassé que par l’Entrée du Seigneur à Jérusalem, célébrée lors de la sixième semaine du Grand Carême.

Les périodes d’iconoclasme et le concile de Nicée

icône du 7 -ème concile œcuménique de Nicée

Depuis les débuts du christianisme, la tradition de créer des images saintes était bien ancrée. Or, Aux VIIIe et IXe siècles, l’Église traverse deux vagues d’iconoclasme. Une mauvaise interprétation du commandement « Ne te fais pas d’idole » entraîne la condamnation des images saintes, assimilées à des idoles. Partout, on détruit les icônes et les fresques, tandis que ceux qui osent les vénérer risquent l’exil, l’emprisonnement, voire la torture et la mort.

En 787, le septième concile œcuménique se réunit à Nicée et condamne l’iconoclasme comme une hérésie. Ce jour-là, au cours du septième concile œcuménique, la dernière des grandes hérésies fut condamnée. À cette époque, l’Église avait affirmé sa compréhension des Personnes de la Sainte Trinité, de l’union entre la nature divine et la nature humaine en Jésus-Christ, ainsi que du rôle de la Vierge Marie en tant que véritable Mère de Dieu.

Pourtant, les opposants à la vénération des icônes ne désarment pas et tentent, à plusieurs reprises, de reprendre le dessus. Sous le règne de l’empereur byzantin Théophile, la persécution continue.

Mais à sa mort, son épouse Théodora prend les rênes du pouvoir. Elle restaure la vénération des icônes et convoque un concile à Constantinople. Là, les iconoclastes sont anathématisés et l’enseignement orthodoxe sur les icônes, déjà proclamé par le septième concile œcuménique, est une fois de plus réaffirmé. Ainsi, La fête du Triomphe de l’Orthodoxie elle-même a été célébrée pour la première fois à Sainte-Sophie de Constantinople le 19 février 843, à l’initiative de l’impératrice Théodora. Elle déclara : « Quiconque n’honore pas l’image de notre Seigneur, sa Très Sainte Mère et tous les saints, qu’il soit maudit ! ». Comme la fête est le premier dimanche du Grand Carême, l’Église orthodoxe commémore solennellement la restauration de la vénération des icônes à la fin de la première semaine du Saint Carême.

Souvenir des prophètes de l’ancien testament le jour du triomphe de l’orthodoxie

La première semaine du Carême perpétue également un souvenir plus ancien : celui des prophètes de l’Ancien Testament. Selon une hypothèse, cette tradition serait née de la lecture évangélique lors de la liturgie. Dès le début de l’Évangile, on trouve cette phrase : « Celui dont Moïse a écrit dans la loi et dont les prophètes ont parlé, nous l’avons trouvé, Jésus, fils de Joseph, de Nazareth » (Jn 1,43-51). C’est sur cette base qu’une célébration mobile en l’honneur des prophètes de l’Ancien Testament aurait vu le jour durant cette semaine. Ce lien avec leur mémoire apparaît clairement dans la lecture apostolique de la liturgie, qui énumère les noms et les actions de nombreux justes de l’Ancien Testament.

 La signification des hymnes du Triomphe de l’orthodoxie

Dans les hymnes et les chants de l’office liturgique, l’accent principal est mis sur la théologie de la vénération des icônes. Les textes de l’office de la première semaine du Carême peuvent être considérés comme une expression hymnographique du dogme de la vénération des icônes.

Et principalement, il est dit que c’est l’Incarnation du Christ qui est à la base de la vénération de l’Image, et quand nous embrassons l’icône, nous rendons honneur à celui qui y est représenté.

Tropaire du triode

Nous vénérons ton icône très pure, toi qui es bon, / en implorant le pardon de nos fautes, ô Christ Dieu ; / car Tu as bien voulu dans ta chair monter sur la Croix, / pour délivrer de l’esclavage de l’Ennemi ceux que Tu as créés. / Aussi, en te rendant grâce, te clamons-nous : / Tu as tout empli de joie, ô notre Sauveur, // toi qui es venu pour sauver le monde.

Kondakion du triode

Le Verbe du Père que rien ne limite, / se laisse circonscrire en s’incarnant de toi, ô Mère de Dieu, / et, restaurant sous sa forme originelle l’image souillée par le péché, / Il l’a unie à la divine beauté. // Confessant le salut, nous le représentons en actes et en paroles.

 

Homélie 1er dimanche de carême- Triomphe de l’orthodoxie

Père Jean-Michel à Plumaudan 17/03/2019

Frères et sœurs, Nous voici arrivés à ce premier dimanche du Carême après avoir, pour plusieurs d’entre nous, pu en vivre la première semaine ponctuée de deux temps forts : les grandes Complies avec le canon de saint André de Crête, mercredi dernier à Plumaudan, et la Liturgie des Saints Dons Présanctifiés vendredi à Plérin. Ces derniers offices étaient vraiment des offices carêmiques. Alors que le dimanche, même en Carême, reste une célébration de la Résurrection du Seigneur, où la tonalité du Carême est toujours présente, mais atténuée.

Ce premier dimanche est particulièrement lumineux, festif, pourrait-on dire, puisque l’on y célèbre les saintes icônes et la légitimité du culte qui leur est adressé. Celui-ci avait été contesté pendant plus d’un siècle, au cours du premier millénaire (aux huitième et neuvième siècle), avant son rétablissement définitif sous le règne de l’impératrice Théodora, soit bien après le 7e Concile œcuménique qui ne s’est imposé qu’après des décennies de résistance.

Alors, pourquoi désigne-t-on maintenant ce dimanche comme celui de « l’Orthodoxie », en ce début de Carême ? Eh bien, probablement parce que, en dehors des aléas de l’histoire de l’Église, le Carême nous oriente et nous prépare précisément à une vision proprement pascale, une vision dans la foi désignée par Saint Paul comme étant « la preuve des choses invisibles », dans laquelle le Christ se révèle vraiment comme le Fils de Dieu, ainsi que vient de le confesser Nathanaël dans la péricope évangélique qui vient d’être lue. Pour nous préparer à cette vision dans la foi, il nous faut traverser le Carême ; mais nous ne pourrons pas avoir une vision juste si nous n’effectuons pas cette traversée dans une perspective juste ; et c’est pour cela qu’au fil des siècles, l’Église a souhaité réaffirmer, en ce premier dimanche de la sainte quarantaine, les fondements de notre foi qui justifient le culte des icônes et garantissent une authentique vie liturgique et spirituelle.

Amen

Icône du triomphe de l’orthodoxie

Icône triomphe de l'orthodoxie

 Elle représente une icône sur une icône, illustrant la fin de l’iconoclasme. Aux VIIIe et IXe siècles, la grande controverse portait sur la représentation du Christ.

Au centre de l’icône du triomphe de l’orthodoxie:

L’icône centrale de la composition est la Mère de Dieu « Hodégétria », placée sur un trône et soutenue par deux anges en robes rouges. Particulièrement vénérée à Byzance, elle était considérée comme la patronne de l’État byzantin. Si, à l’époque de l’iconoclasme, l’icône du Christ dominait, au XIVe siècle, celle de la Mère de Dieu prit une place prépondérante dans l’iconographie du Triomphe de l’Orthodoxie. Son trône souligne son importance liturgique.

Puis, L’icône du Triomphe de l’Orthodoxie se divise en deux rangées.

En haut à gauche de l’icône de la Mère de Dieu se trouve la juste impératrice Théodora (500-548) avec son fils Michel. Michel III est présent sur l’icône, malgré le fait qu’il fut plus tard surnommé l’Ivrogne pour sa vie dissolue. Sur l’icône, il est représenté comme un participant à l’événement historique qui a constitué la base de cette fête du triomphe de l’orthodoxie.

À droite du Trône se trouvent saint Méthode (815-885) et saint Théodore-le Studite (759-826),

Dans la rangée inférieure au centre sont représentés saint Théophane le Confesseur le sygrien (759-818) et Étienne le Nouveau (un moine du mont Auxence), tenant une icône du Christ. À leur droite se trouve Théophilacte le Confesseur, évêque de Nicomédie (765-845), qui participa aux négociations entre Léon l’Arménien (775-820) et le saint patriarche Tarase (730-806), qui tenta de convaincre l’empereur de ne pas renouveler l’hérésie iconoclaste après le septième concile œcuménique. Viennent ensuite deux frères, Théodore et Théophane l’Inscrit. Les frères, défenseurs des icônes, ont reçu un surnom si étrange parce que, sur ordre de l’empereur Théophile, des vers offensants leur étaient brûlés au visage avec des aiguilles brûlantes.

À gauche du trône se tient Théodosie de Constantinople (700-726) avec une icône du Christ Emmanuel dans ses mains. C’est elle qui a empêché le soldat de jeter l’image en cuivre du Sauveur, accrochée aux portes de Constantinople depuis plus de 400 ans. C’est pour cela que Théodosie fut tuée. Ensuite, les figures des moines ne sont pas déterminées du fait des inscriptions fortement endommagées.

Dans la rangée supérieure, se tiennent des participants directs, soit des contemporains proches des événements de 843.

Au registre inférieur on voit des saints associés à la protection des icônes et à la vénération des icônes, qui ont vécu plus tôt, au VIIIe siècle.

Conclusion

Chaque icône peinte, comme dernier maillon, nous témoigne de l’harmonie complète et parfaite des Personnes de la Sainte Trinité, et par là, de leur unité. « D’une manière indirecte, l’icône nous confirme le mystère le plus profond de la Divinité. » Alors, comme le disait Mgr Antoine Bloom, Métropolite Antoine de Souroge, dans une de ses homélies : Préservons respectueusement notre foi dans le dogme de la vénération des saintes icônes, qui exprime la foi inconditionnelle que Dieu s’est fait Homme.