La Semaine Sainte orthodoxe : une marche avec le Christ

La Semaine Sainte, encore appelée Grande et Sainte semaine de la passion, est l’étape finale avant Pâques dans la tradition chrétienne orthodoxe. Chaque jour rappelle les derniers instants de la vie terrestre du Sauveur  ».Un temps unique arrive, que tous les chrétiens honorent avec une appréhension particulière : la Semaine Sainte. Il y a presque deux mille ans, en ces jours-là, le Christ est venu à Jérusalem pour souffrir, mourir sur la croix et ressusciter. Pour sauver le monde entier.

Tous les jours de cette semaine Sainte de la passion du Christ sont considérés comme « grands », et ce n’est pas un hasard.

Comment l’appelle -t-on ?

Deux noms sont utilisés : la Grande Semaine et la Semaine Sainte. Chez les Grecs, c’est surtout « la Grande Semaine » qui est employé, mais ce terme est plutôt rare dans les livres liturgiques slavons (comme le synaxaire du Grand Samedi). En revanche, une tradition populaire très vivante consiste à désigner chaque jour par « Grand » : Grand Lundi, Grand Mardi, etc. Le terme Semaine Sainte apparaît quant à lui une seule fois dans le Typikon (au chapitre 17), mais il est largement utilisé dans le langage courant et dans les publications ecclésiastiques modernes.

La semaine Sainte orthodoxe, une semaine à part

Pour l’Église orthodoxe , cette semaine Sainte est particulièrement honorée. Comme le dit le Synaxaire : « Tous les jours sont dépassés par le Saint et Grand Carême, mais plus encore par la Sainte et Grande Semaine, et plus grande encore que cette semaine est le Grand et Saint Samedi. » Ce n’est pas la durée qui rend cette semaine « grande », mais ce qu’elle représente : les miracles, les paroles, les gestes décisifs du Christ.

Pendant les offices, l’Église retrace jour après jour le parcours du Sauveur. Avec amour et respect, elle suit chacun de ses pas, écoute chacun de ses mots, depuis Béthanie jusqu’à la Croix. C’est un cheminement spirituel qui nous conduit de son entrée triomphale à Jérusalem jusqu’au mystère de sa Passion, et enfin, à la joie immense de La Résurrection.

Se rapprocher du Christ : le cœur des offices

Tout au long de la Semaine Sainte, les offices nous entraînent dans une immersion profonde au cœur du mystère de la rédemption. Par les lectures et les hymnes, ils nous amènent à nous rapprocher du Christ, à le suivre pas à pas et à entrer spirituellement dans ce que nous allons bientôt commémorer : sa Passion, sa mort, et sa Résurrection.

Quels sont les offices de chaque jour de la semaine Sainte avant Pâques ? 

Les trois premiers jours  de la semaine Sainte orthodoxe: une montée vers la Passion

Les trois premiers jours  de la semaine Sainte orthodoxe– lundi, mardi et mercredi – marquent une préparation intense au souvenir de la Passion. L’ Église se souvient des dernières paraboles et des derniers enseignements prononcés par le Sauveur durant sa vie terrestre. l’Église prolonge ces journées par des offices plus longs et plus denses, ils contiennent toute l’essence de la doctrine chrétienne.  Afin de recentrer notre attention sur l’essentiel, toute la lecture des quatre Évangiles est répartie sur ces trois jours. C’est une invitation à contempler le chemin du Christ, depuis son ministère jusqu’à sa montée vers la Croix. Le motif principal de tous les textes liturgiques de ces jours est la rencontre personnelle du Christ et de l’homme, ainsi que la disponibilité de ce dernier à cette rencontre

Pour écouter les chant des trois premiers jours de la semaine Sainte orthodoxe, cliquez sur ce lien:

https://vk.com/video-41585629_456239534?to=L3ZpZGVvLTQxNTg1NjI5XzQ1NjIzOTUzND8-

Grand et Saint Lundi : Joseph et le figuier

Semaine Sainte orthodoxe- Grand et Saint lundi
Grand et Saint lundi

Le Grand Lundi, deux images dominent : Joseph, le fils de Jacob, et le figuier stérile. Joseph est présenté comme une figure du Christ. Mais plus que la comparaison avec la Passion, les hymnes insistent sur sa pureté et sa résistance à la tentation, notamment face à la femme de son maître en Égypte. Il devient un modèle de fidélité.

Le figuier, lui, fait écho à un épisode précis de l’Évangile : Jésus, en arrivant à Jérusalem, voit un figuier sans fruits et le maudit (Marc 11, 12-26). Le lendemain, il est desséché. Pour l’Église, ce geste a une portée symbolique forte : c’est un avertissement. Celui qui ne porte pas de fruits spirituels se coupe lui-même de la vie.

Grand et Saint Mardi : les paraboles qui éveillent

Semaine Sainte orthodoxe-Grand et Saint mardi
Grand et Saint mardi

Le déroulement général des offices du Grand Mardi suit celui du lundi. Les lectures de ce jour mettent l’accent sur les enseignements du Christ donnés dans le Temple, lors de son deuxième jour à Jérusalem après son entrée triomphale. Le thème central est la condamnation des pharisiens et des scribes, qui, après ces confrontations, rompent définitivement avec Jésus et décident de le faire périr.

Le mardi, on retrouve deux paraboles majeures : celle des talents et celle des dix vierges (Matthieu 25). La première prolonge le thème du figuier : chacun reçoit des dons, mais il faut les faire fructifier. La seconde ouvre sur une autre perspective : celle de la seconde venue du Christ. Elle nous rappelle l’urgence d’être vigilants, prêts, éveillés spirituellement. Ils mettent en garde les chrétiens contre l’énorme responsabilité de chaque action dans la vie et contre la relation de cause à effet dans la vie d’une personne.

Grand et Saint Mercredi : l’amour d’une pécheresse, la décision de trahir

Semaine Sainte orthodoxe- grand et Saint mercredi
Grand et Saint mercredi

Les textes liturgiques opposent la prostituée qui oignit les pieds du Christ de myrrhe parfumée et le disciple qui tenté par l’argent trahit le Maître à ses ennemis.

Le grand et Saint mercredi, l’Église nous fait revivre un moment d’une grande tendresse : une femme pécheresse s’approche de Jésus, verse un parfum précieux sur ses pieds, les baigne de ses larmes et les essuie avec ses cheveux. Cela se passe à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux. Cet acte d’amour et de repentance devient une onction anticipée pour l’ensevelissement du Christ. Une image puissante de foi, de tendresse, et de transformation.

Le Grand Mercredi marque également un tournant tragique. C’est le jour où Judas laisse tomber le masque. Sous prétexte de vouloir aider les pauvres, il révèle en réalité son attachement à l’argent. Ce soir-là, il prend la décision fatale : livrer le Christ aux autorités juives en échange de 30 pièces d’argent — une somme suffisante, à l’époque, pour acheter un petit terrain autour de Jérusalem.

Durant la Liturgie des Dons Présanctifiés, on récite pour la dernière fois la prière bouleversante de saint Ephrem le Syrien, accompagnée de trois grandes prosternations. Une manière forte de marquer la fin de cette étape de carême et l’entrée dans les jours les plus saints. En ce jour, la Liturgie des Dons Présanctifiés est célébrée pour la dernière fois de cette année.

Grand et Saint Jeudi : l’Amour jusqu’au bout

Ce jour-là commence le Cycle de la Passion lui-même. Le Jeudi Saint concentre plusieurs événements majeurs, tous survenus en cette veille de la Passion. L’office rappelle :

  • La Dernière Cène, où Jésus offre à ses disciples le sacrement de l’Eucharistie – son Corps et son Sang, donnés pour la vie du monde.

Semaine sainte orthodoxe-grand-saint-jeudi
Grand et Saint jeudi- la dernière cène
  • Le lavement des pieds, geste d’une humilité absolue. Le Maître se fait serviteur, abaissé jusqu’aux pieds de ses disciples pour leur montrer le chemin de l’amour vrai.

Semaine Sainte orthodoxe Grand et Saint jeudi- lavement des pieds
Grand et Saint jeudi- lavement des pieds
  • La prière à Gethsémani, où Jésus, en proie à une angoisse extrême, reste fidèle à la volonté du Père.

  • La trahison de Judas, qui se concrétise par un baiser – une trahison déguisée en affection.

Dans les cathédrales et les diocèses, un rite poignant est célébré : le lavement des pieds. L’évêque ou le prêtre rejoue ce geste du Christ. C’est une image forte, qui nous rappelle que le pouvoir véritable se vit dans le service et dans l’humilité et l’amour .

Ce jour-là, tous les fidèles sont invités à communier. En effet, c’est précisément ce jour que le Seigneur et Sauveur Jésus-Christ nous a offert ce don inestimable : la Sainte Communion, l’eucharistie, le sacrement des sacrements. Le tropaire du jour exprime avec force ce contraste entre la lumière des disciples fidèles et l’ombre qui a envahi Judas :

« Alors que les glorieux disciples étaient éclairés lors du lavement de la Cène, Judas, le méchant, s’est obscurci par sa passion de l’argent… »

LIVRET LITURGIQUE DU JEUDI MATIN et VÊPRES DU GRAND ET SAINT JEUDI ICI

Grand et Saint Vendredi : silence et croix

Semaine Sainte orthodoxe-Grand et Saint vendredi
Grand et Saint vendredi

Le Grand Vendredi est le jour du plus grand silence. L’Église nous place au pied de la Croix, et dépeint, sous nos yeux respectueux et émerveillés, les souffrances salvatrices du Seigneur. 

Les Matines du Vendredi Saint, célébrées dès le jeudi soir, nous font entendre les 12 Évangiles de l’Alliance et de  la Sainte Passion. À travers ces lectures, on vit  les étapes du supplice du Seigneur.

Ce jour-là, il n’y a pas de liturgie. Le Christ est l’offrande suprême. À la place, on célèbre les Heures Royales, un office sobre et solennel, pour accompagner le Sauveur dans sa descente vers la mort.

C’est un jour de jeûne strict, de recueillement profond. L’Église tout entière se tait, contemple, pleure… mais déjà, dans ce silence, une espérance commence à poindre.

         Grand Vendredi après-midi : au pied du tombeau

Semaine Sainte orthodoxe- grand et Saint vendredi Epitaphios
grand et Saint vendredi Epitaphios

À 14h, l’heure où Jésus est mort sur la Croix, l’Église célèbre les vêpres du Grand Vendredi. Cet office bouleversant rappelle le moment où le corps du Christ est descendu de la croix et placé dans le tombeau. Quand retentit le tropaire :

« Le noble Joseph, ayant descendu de la Croix Ton corps immaculé… »,

Le clergé soulève lentement l’épitaphios – ce tissu représentant le Christ étendu dans la mort – En silence, avec encens et lampes allumées, le prêtre, le diacre le portent solennellement au centre de l’église, sur une table qui symbolise le tombeau.

Les fidèles s’approchent alors, un à un. Ils se prosternent profondément, vénèrent les plaies représentées sur le l’épitaphios — les mains, les pieds, le côté transpercé —, dans un grand respect mêlé de tristesse et de gratitude.

Le soir, un second office a lieu, souvent accompagné d’une procession. L’épitaphios,  en slave : Плащаница, plashchanitsa ,  restera exposé au centre de l’église pendant trois jours (symboliques). Ceci rappelle les trois jours passés par le Christ dans la tombe.

Ce jour est l’un des plus austères de tout le calendrier liturgique : on ne mange pas.  C’est un jeûne total, en union avec la mort du Seigneur.

Grand et Saint Samedi : le repos du Christ et l’attente du matin nouveau

Le soir du Vendredi Saint ouvre la célébration du Grand Samedi. L’Église entre dans le mystère du repos du Christ dans le tombeau. Son corps  repose dans la terre, mais son âme descend aux enfers pour briser les chaînes de la mort. C’est la grande descente dans la nuit, suivie d’un cri de victoire : la Résurrection se prépare déjà.

Lors de la Liturgie de saint Basile, on commence par les vêpres. Après la petite entrée avec l’Évangile (près de l’épitaphios, le linceul), le prêtre proclame les 15 lectures de l’Ancien Testament – les prophéties –.  Elles annoncent la mort et La Résurrection du Christ à travers des images puissantes : la création, la délivrance de l’Égypte, le passage de la mer Rouge, la fournaise des trois jeunes gens…

Après la 6e lecture, les fidèles chantent « Chantez le Seigneur car il s’est couvert de gloire». Puis, les lecture des prophéties se terminent par le chant de louange éternelle :

« Chantez le Seigneur et exaltez Le dans tous les siècles ».

À ce moment, l’ambiance bascule. Le clergé quitte promptement les habits sombres pour des vêtements lumineux. C’est rapide, et c’est déjà Pâques qui se profile. On chante le chant ancien des baptêmes :

« Vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ. Alléluia »,

rappelant que ce jour-là, dans l’Église ancienne, on baptisait les catéchumènes  en vue de leur première communion pascale.

Le psaume 81 remplace l’Alléluia, avec ce cri puissant :

« Lève-toi, ô Dieu, juge la terre ».
La victoire de Dieu sur le mal est proche.

Puis vient un chant solennel :

« Que toute chair humaine fasse silence… »,
un appel au silence total, à la contemplation du mystère de La Résurrection de Notre Seigneur

La veillée pascale : de la nuit à la lumière

À minuit, les fidèles se rassemblent dans l’église obscure. Commence alors l’office de minuit, avec le Canon du Grand Samedi.  Les fidèles attendent avec respect l’arrivée de minuit. Alors, commencera l’éclatante joie de Pâques, la plus grande fête de la Résurrection de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

À la fin, le clergé reprend silencieusement l’épitaphios et le dépose sur le Trône, derrière la Porte Royale. Il y restera jusqu’à l’Ascension, 40 jours plus tard. Ce geste nous rappelle que le Christ ressuscité reste parmi nous pendant encore quarante jours, jusqu’à son élévation au ciel. Puis viendra 50 jours après Pâque l’envoi de son Paraclet le Saint-Esprit.

L’attente de la lumière pascale

 La lumière va jaillir, la Résurrection va éclater. Le moment approche. La joie pascale n’est pas une joie ordinaire : c’est une joie éternelle, indestructible, une joie qu’aucune douleur ne peut effacer. C’est cette joie dont notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ disait à ses disciples :

« Votre cœur se réjouira, et personne ne vous enlèvera votre joie » (Jean 16, 22).

Pendant toute cette semaine sainte, l’Église nous invite à lâcher la course du monde pour entrer dans l’essentiel. Chaque office nous fait vivre une étape du mystère. Ici le Cénacle, là le jardin de Gethsémani, puis le Golgotha, et enfin le tombeau vide. Tout est là pour que nous marchions avec le Christ.