Pokrov: prière et protection de La Mère de Dieu

Pokrov: Fête de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu

Commémorée le 1ᵉʳ/14 octobre —  est l’une de grandes fêtes de l’Église orthodoxe. Sous le voile lumineux de la compassion et de la paix de la Mère de Dieu- « « Sous la protection de ta miséricorde nous nous réfugions ».

Pokrov: prière et protection de La Mère de Dieu

Origine de la fête de Pokrov

La fête de Pokrov, célébrée le 1er/ 14 octobre, rappelle la tendresse protectrice de la Vierge Marie, Mère du monde et refuge des âmes. Son origine plonge dans un événement mystique du Xe siècle, lorsque la très Sainte Théotokos apparut dans l’église Sainte-Sophie de Constantinople, étendant son voile lumineux sur la ville menacée. Ce geste, symbole de sa sollicitude, est devenu pour les croyants le signe vivant de sa présence maternelle.
>> Au-delà du souvenir d’un miracle, Pokrov exprime la confiance des chrétiens en l’amour qui veille, en cette prière silencieuse de la Mère de Dieu qui unit le ciel et la terre. Elle partage nos peurs et nos espérances, intercédant pour chacun de nous auprès de son Fils. À travers elle, c’est la douceur même de Dieu qui se révèle, enveloppant l’humanité de sa lumière et de sa paix,  de son amour.

Pokrov en russe veut dire:  voile- protection. La Fête de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu (en slavon : Pokrov Presviatyia Bogoroditsy) est profondément enracinée dans la tradition spirituelle de l’Église orthodoxe d’Orient. Instituée en Russie au XIIᵉ siècle sous le règne du saint prince André Iouriévitch Bogolioubski (1155–1174), elle célèbre la miséricorde maternelle de la Vierge Marie et son intercession constante pour le monde.

Pokrov et les mariages

Le nom « Pokrov » — qui signifie « Voile » — de la Très Sainte Théotokos évoque le voile nuptial, symbole de pureté et de bénédiction. Dans la tradition populaire, on disait :

« Quand vient le Pokrov, il couvrira la tête de la jeune fille. »

Ainsi, cette fête prit aussi la dimension d’une célébration des jeunes filles et d’un temps favorable aux mariages, sous la protection maternelle de la Mère de Dieu.

Le miracle de Constantinople (910)

En l’an 910, sous l’empereur Léon le Philosophe, la guerre et les épreuves menaçaient Constantinople. Un dimanche, pendant une vigile nocturne à l’église des Blachernes, où étaient conservés la robe et le voile de la Très Sainte Vierge, le saint André de Constantinople, appelé le Fol en Christ, priait avec ferveur en compagnie de son disciple Épiphane.

La vision de la mère de Dieu

Soudain, il eut la vision de la Mère de Dieu apparaissant au-dessus de l’assemblée, resplendissante de lumière et entourée des chœurs des anges et des saints. Il lui dit: « Voyez-vous, mon frère, la Reine et la Dame de tous, qui prie pour le monde entier ? « Je la vois et je suis terrifié ! ».  Ils furent les seuls dans tout le temple à avoir droit à cette vision. La Très Sainte Vierge passa haut dans les airs au-dessus des portes royales, soutenue de part et d’autre par Jean-Baptiste et Jean le Théologien, entourée de nombreux saints vêtus de blanc. S’agenouillant, la Très Sainte Vierge pria longuement en pleurant, puis elle entra dans l’autel et continua là sa prière pour le peuple. En sortant de l’autel, elle ôta son voile — qui brillait comme l’éclair ! — et l’étendit sur tous ceux qui priaient.

Pokrov: le voile protecteur de La sainte Théotokos

Ainsi, La Vierge étendit son voile protecteur (pokrov) sur les fidèles, couvrant le peuple de sa grâce et intercédant avec compassion pour le monde entier. Cette vision fut comprise comme un signe de la miséricorde divine et de la protection constante de la Mère de Dieu sur tous ceux qui la prient avec foi.

Institution de la fête de Pokrov en Russie

En 1155, profondément touché par ce témoignage de la présence protectrice de la Vierge, le saint prince André Bogolioubski quitta Kiev en emportant  avec lui secrètement l’épée du prince martyr Boris et l’icône de la Mère de Dieu, envoyée un quart de siècle plus tôt au prince de Kiev en guise de bénédiction par le patriarche de Constantinople.

Il ordonna la construction d’une église dédiée à la Protection de la Mère de Dieu près de sa résidence de Bogolioubovo. Il institua la fête du Pokrov dans ses terres.et établit la commémoration de ce miracle le 1ᵉʳ/14 octobre selon le calendrier liturgique.

Depuis, cette fête est devenue un symbole de confiance et d’espérance, rappelant à tous les chrétiens que la Vierge Marie demeure le refuge des affligés, la protectrice des peuples et la paix du monde</strong>.

Pokrov et l’icône de Vladimir de La mère de Dieu

Lorsque le prince André, son fils, emporta l’icône vers ses terres du Nord, il pria sans relâche devant son image. Et voici qu’aux abords de Vladimir, les chevaux s’arrêtèrent et refusèrent d’avancer. Alors, le prince tomba à genoux, priant dans les larmes. La Très Sainte Mère de Dieu lui apparut, tenant un parchemin, et lui ordonna de laisser son image dans cette ville bénie, promettant sa protection et sa miséricorde sur le peuple russe.

Ainsi, on déposa l’icône à Vladimir, où il fit édifié un monastère en l’honneur de la Nativité de la Mère de Dieu. Depuis lors, cette sainte image est devenue le gage de la tendresse et de la garde maternelle de la Théotokos sur la Russie : elle protège les villes, console les affligés, fortifie la foi et veille sur le salut de tous ceux qui l’invoquent avec amour et espérance.

Saint Luc et l’icône de Vladimir

Selon la sainte tradition, Saint Luc l’Évangéliste  peignit l’icône de Vladimir de la Mère de Dieu sur une planche provenant de la table où la Sainte Famille prenait ses repas. Elle porta dès lors la bénédiction de la présence du Verbe incarné et de Sa Très Pure Mère. Vénérée d’abord à Jérusalem, puis transférée à Constantinople, cette icône devint un lien vivant entre l’Orient et la terre de Russie. En 1131, l’icône de Vladimir de la Mère de Dieu fut envoyée en Russie depuis Constantinople au saint prince Mstislav († 1132) et fut placée dans le monastère de la Vierge de Vyshgorod, l’ancienne ville apanage de la sainte grande-duchesse Olga, égale aux apôtres. Offerte au prince Youri Dolgorouki, elle fut déposée à Vychgorod, lieu sanctifié par sainte Olga, égale aux Apôtres.

L’icône de Vladimir, une icône à double face

icône de la mère de Dieu de Vladimir
icône de la mère de Dieu de Vladimir

D’après les historiens de l’art, l’icône de Vladimir de la Mère de Dieu fut réalisée au XIIᵉ siècle, très probablement à Constantinople. L’œuvre mesurait à l’origine 78 sur 55 centimètres, avant que ses bordures ne soient élargies au fil du temps.

Au revers se trouve représentée l’Étymasie, le « trône préparé » pour le Christ, entourée des instruments de la Passion. Cette image, ajoutée lors de la seconde restauration de l’icône au début du XVe siècle, témoigne de la profonde unité entre la tendresse de la Mère et le mystère du salut accompli par le Fils.

L’icône de Vladimir de la Mère de Dieu est l’une des reliques les plus vénérées de l’Église orthodoxe russe.

Signification spirituelle de la fête de la Protection de La Mère de Dieu

Pokrov, La Protection de la Mère de Dieu est le signe de l’amour maternel de la Mère de Dieu et toujours Vierge Marie pour les hommes. Lors de cet événement célébré, la Mère de Dieu apparaît comme intercesseur auprès de Dieu pour tous les croyants. Elle nous enseigne que, dans les moments de peur, d’incertitude ou de douleur, le voile de la prière de Marie demeure tendu sur ceux qui croient et invoquent son Nom.

Dans la foi orthodoxe, la maternité de la Mère de Dieu révèle la compassion qui sauve. En portant le monde dans sa prière, Marie participe au mystère du salut : elle unit la souffrance humaine à la miséricorde divine. Sa présence maternelle ouvre à chacun le chemin vers le Christ, transformant la douleur en espérance et la prière en lumière pour le monde.

Tropaire et Kondakion de de la Fête de la protection de La Mère de Dieu

Tropaire de la Fête — ton 4

En ce jour, célébrons cette fête avec joie ô peuples fidèles, à l’ombre de Ta venue, Mère de Dieu, et élevant le regard vers Ta très pure icône, disons avec attendrissement : protège-nous par Ton vénérable voile, et délivre-nous de tout mal, priant Ton Fils le Christ notre Dieu de sauver nos âmes.

Kondakion — ton 3

    La Vierge en ce jour est présente à l’église, et prie invisiblement Dieu pour nous avec le chœur des saints ; les anges se prosternent avec les pontifes, les apôtres avec les prophètes constituent des chœurs ; la Mère de Dieu prie pour nous le Dieu Prééternel.

Iconographie Pokrov- icône de la Mère de Dieu de Vladimir- iconographie

icône de la protection de la mère de Die- école de novgorod
icône de la protection de la mère de Die- école de novgorod

Les plus anciennes représentations de la fête de l’Intercession en Russie se trouvent sur les portes de la cathédrale de la Nativité à Souzdal, ainsi que sur les fresques de la cathédrale du monastère de Snetogorsk à Pskov. Ces œuvres, datant du XIVᵉ siècle, témoignent de la profonde ancienneté du culte rendu à la Mère de Dieu sous le signe de son Voile protecteur.

Au centre de l’icône de la protection de La Très sainte Théotokos

Au centre de l’icône s’élève la figure majestueuse de la Reine du Ciel, représentée de face, les bras levés dans l’attitude d’orante. Ce geste, connu depuis les premiers siècles du christianisme, exprimait à l’origine la prière universelle de l’âme croyante, l’image de l’Église en prière ou encore l’espérance du défunt s’élevant vers Dieu. Dans l’iconographie chrétienne, il est devenu l’un des symboles les plus purs de la Mère de Dieu — celle qui intercède sans cesse pour le monde et pour l’Église.

La Très Sainte Théotokos se tient debout sur une nuée circulaire, devant l’abside de l’autel, au-dessus des Portes Royales closes. Cette nuée, empruntée aux Saintes Écritures, manifeste à la fois la présence céleste et l’action divine : elle rappelle la nuée qui guida Israël lors de l’Exode (Ps 104,39), celle qui accompagna « le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel » (Dn 7,13), et celle sur laquelle le Christ monta dans la gloire (Ac 1,9).

Pokrov-le voile protecteur

Au-dessus d’elle s’étend un voile rouge, tenu avec révérence par deux anges. Sa forme arrondie enveloppe l’espace du sanctuaire dans un mouvement doux et protecteur, image visible du mystère invisible de la grâce. Le rouge du voile, couleur du feu divin (Ps 18,9), exprime la chaleur de l’amour et la puissance de la miséricorde. Ce voile n’est pas seulement signe de sollicitude : il est le symbole même de la grâce divine qui recouvre, purifie et protège.

Dans les icônes, on figure cette grâce par les mêmes teintes ardentes que les langues de feu de la Pentecôte. Ainsi, le voile et la nuée, unis dans une même lumière, révèlent la Mère de Dieu comme médiatrice entre le ciel et la terre — celle qui, par son intercession, enveloppe le monde du manteau de la miséricorde divine.

Les portes royales

Dans l’iconographie de la fête de la Protection de la Très Sainte Mère de Dieu, les Portes Royales occupent une place de grande signification. On ne représente jamais au  hasard cet élément sacré de l’architecture liturgique. Il est devenu par la suite fréquent dans les icônes de l’école de Novgorod. Le fait que les portes royales soient fermées revêt un sens théologique profond : il rappelle la prophétie d’Ézéchiel (Ez 44, 1-2), où le prophète annonce que les portes du sanctuaire resteront closes, car seul le Seigneur les a franchies. Cette image prophétique préfigure le mystère de la Vierge Marie, qui enfanta le Fils de Dieu tout en demeurant vierge. Ainsi, le Temple et la Mère de Dieu se répondent dans une même révélation : l’un est le signe, l’autre l’accomplissement.

Les anges en haut

Au-dessus, deux anges tiennent le Voile étendu, manifestant la royauté céleste de la Theotokos. Leur présence exprime la hiérarchie angélique, médiatrice de la miséricorde divine, par laquelle la grâce se répand du Ciel vers la terre.

Les saints

Les saints, représentés au registre central, se tiennent à droite de la Vierge, près de l’autel, les mains levées dans la prière. Leur attitude traduit la supplication universelle de l’Église — les justes et les anges s’unissant pour implorer la Mère de Dieu.
Face à eux, de l’autre côté, se tiennent d’autres anges, leurs mains couvertes de leurs vêtements, signe d’une humilité et d’une vénération extrêmes devant le mystère divin.

Dans la parie inférieure de l’icône

Enfin, dans la partie inférieure de l’icône, à droite de la Mère de Dieu (vue du spectateur à gauche), apparaissent saint Jean le Baptiste, saint Jean le Théologien et les apôtres, témoins de la communion parfaite entre le Ciel et la terre que réalise l’intercession de la Mère de Dieu.

Sermon du métropolite Antoine de Souroge à l’occasion de la fête de la Protection de la Mère de Dieu.

Pokrov protection de la Sainte Mère de Dieu

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

Dès les débuts du christianisme en Russie, la Mère de Dieu était considérée comme la patronne de notre pays. Sous sa protection, par la puissance de ses prières, la foi orthodoxe s’est développée sur notre terre. Et parfois, nombreux sont ceux qui se demandent, eux-mêmes et les autres : comment est-il possible, alors que la terre russe et notre Église natale étaient initialement sous la protection de la Très Pure Vierge Marie, que notre histoire russe et le destin de notre Église aient pu être si terribles et tragiques ?</strong></strong>

Que de souffrances, que de peurs ont traversé l’histoire russe, non seulement dans sa forme profane, mais aussi au sein même de l’Église. Des martyrs se sont levés siècle après siècle, des témoins du Christ ont péri. Comment concilier tout cela avec notre conviction que la protection de la Très Pure Vierge Marie repose sur notre Église, sur notre patrie ? Je crois que cela ne peut se comprendre que si nous nous souvenons qu’elle s’est tenue devant la croix de son Fils unique, sans prononcer un mot, sans crier, sans verser une larme, sans supplier qu’il ne soit pas crucifié, car elle savait que le Fils de Dieu, devenu fils de l’homme par elle, était venu vivre, enseigner, donner sa vie et mourir sur la croix pour le salut de l’humanité. Et nous, chrétiens, ne sommes pas seulement des croyants au Christ ; nous, chrétiens, ses disciples, nous avons reçu de lui en héritage le commandement de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés, d’avoir un amour que la terre ne connaît pas : nul n’a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis…

Nous participons aux Saints Mystères. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que, par le miracle de la Sainte Communion, la vie du Christ, sa nature humaine, devient notre vie et notre nature, et que, même embryonnaire, notre présence sur terre est une icône et une réalité de la présence du Christ dans notre monde tragique et souffrant. Chacun de nous, dans la mesure de son abandon à Dieu, dans la mesure de sa foi en Christ – non seulement en paroles, non seulement en sentiments, mais de toute sa vie – est appelé à marcher sur le chemin du Christ. Et nous connaissons le chemin du Christ. Lorsque Jacques et Jean, deux de ses disciples, s’approchèrent de lui, lui demandant de s’asseoir à sa droite et à sa gauche, lorsqu’il viendrait vainqueur, il leur répondit : « Le pouvez-vous ? Êtes-vous prêts à boire la coupe que je bois ? » — c’est-à-dire partager le sort que j’ai assumé par amour pour toi, pour le genre humain, es-tu prêt à te plonger dans l’horreur qui sera l’horreur de mon sort : la trahison, le baiser de Judas, la fuite des apôtres, la solitude, un procès illégal, le faux témoignage et, finalement, la condamnation à mort et le voyage au Golgotha, portant la croix sur laquelle il devait être crucifié et mourir ? Et lorsqu’ils l’ont cloué sur la croix, lorsque cette croix a été dressée pour qu’il meure lentement sous les yeux de tous, sous les moqueries de ses condamnateurs et de ses bourreaux, quelles ont été ses paroles ? « Pardonne-leur, Père, ils ne savent pas ce qu’ils font… » Et la Mère de Dieu s’est tenue là et n’a pas supplié d’un mot qu’ils aient pitié de son Fils, elle ne s’est pas adressée à lui pour lui dire qu’il descendrait de la croix avec son autorité et sa puissance divines, car elle savait que c’était pour cela qu’il était venu au monde.

J’ai demandé un jour à Sa Sainteté, le patriarche Alexis, toujours mémorable et cher à nous tous, comment il définirait l’Église, et il m’a répondu : L’Église est le corps du Christ, crucifié pour le salut de ses bourreaux… C’est seulement lorsque nous sommes victimes que nous recevons le pouvoir que le Christ avait de dire : Pardonne-leur, Père ! – car en acceptant la souffrance sans protester, en nous donnant silencieusement (le Christ a dit : Personne ne m’enlève ma vie, je la donne gratuitement) – lorsque nous nous livrons aussi aux abus, au ridicule, et parfois même pire, nous recevons le pouvoir de pardonner.

Un ami proche, de plus de vingt ans mon aîné, a été déporté dans un camp de concentration pendant l’occupation allemande. À son retour, je l’ai croisé dans la rue et lui ai demandé : « Qu’as-tu emporté du camp ? » Il m’a répondu : « Une angoisse incessante. » Je l’ai regardé et lui ai demandé : « As-tu vraiment perdu la foi là-bas ? » « Non », dit-il, « mais pendant que j’étais au camp, pendant que je souffrais, menacé de mort, torturé, tourmenté par la faim et les coups, je pouvais à tout moment dire : “Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font !” Et je savais que le Seigneur ne pouvait pas ne pas entendre mes prières, car par mon sang je Lui témoignais que je pensais ces mots, du plus profond de ma souffrance j’implorais le pardon de mes bourreaux. Et maintenant je suis libre, et ceux qui nous ont tant tourmentés, si cruellement traités, ne se sont peut-être pas repentis, ne comprennent pas ce qu’ils ont fait. Mais quand je crie à Dieu, je L’implore, je pleure devant Lui pour qu’Il les sauve, le Seigneur ne pouvait-il pas me dire : “Il est facile de prier pour eux maintenant : vous ne souffrez plus ; comment me prouverez-vous votre sincérité dans vos prières ?”… Telle est l’attitude d’un simple chrétien russe. Et c’est à cela que nous sommes tous appelés, car par Par le baptême, nous sommes revêtus du Christ, parce que par la chrismation nous recevons l’Esprit Saint, parce que par la communion nous devenons un seul corps, une seule vie avec le Christ Sauveur, le Fils de l’homme, comme nous en toutes choses sauf le péché, mais aussi le Fils de Dieu, et ce processus commence en nous qui doit participer à la vie divine à la fin des temps.

Et ainsi, quand nous pensons à la Protection de la Mère de Dieu sur la terre russe, ne pouvons-nous pas comprendre qu’Elle, oui, s’est tenue avec nous au trône de Dieu, qu’Elle a prié Dieu en larmes pour que la miséricorde descende sur nous, que la force nous soit donnée, mais pas pour que nous soyons privés du don miraculeux de vivre et de mourir pour le salut de ceux qui ont besoin de notre pardon et ont besoin du témoignage de ce que signifie être une personne en qui vit l’amour divin.

Mais vous dites : Comment puis-je faire cela ? Où puis-je trouver la force ? L’apôtre Paul s’est tourné vers Dieu, voyant ce qu’il devait accomplir sur terre, et il s’est tourné vers lui pour obtenir de la force. Le Christ lui a répondu : Ma grâce te suffit ; ma puissance se manifeste dans ta faiblesse… Dans quelle faiblesse ? Certainement pas dans la peur, ni dans la lâcheté, ni dans la paresse, ni dans le découragement, mais dans la faiblesse que nous pouvons manifester en nous abandonnant sans défense, comme un enfant s’abandonne dans les bras de sa mère, sans se défendre, se sachant simplement en sécurité dans ses bras. C’est ainsi que nous devons nous abandonner à Dieu, et alors la puissance de Dieu sera parfaite en nous, non par la sagesse de nos paroles, ni par la force de nos actions, mais par l’ouverture de notre grâce à Dieu, qui se répandra à travers nous sur tout et sur tous ceux qui nous entourent.

Nous avons une autre joie aujourd’hui : pour la première fois, nous pouvons prier Sa Sainteté le Patriarche Tikhon. Pour nous, il est l’image de la Rus’, crucifiée et souffrante. Lui, homme des temps anciens, est entré dans une ère nouvelle, jusqu’alors inconnue, et a scruté les voies de Dieu. Il a su discerner ces voies et en révéler le sens pour lui-même et pour les autres, et il a placé l’Église à sa juste place face aux autorités terrestres et à Dieu. Pour nous, il est l’image de tous les nouveaux martyrs dont nous nous souvenons, de tous les ascètes de la foi, hommes et femmes, enfants et personnes âgées, qui ont donné leur vie, qui ont payé de leur vie et de leur mort leur désir de demeurer au Christ jusqu’au bout. Il est, pour ainsi dire, la clé ; il est au cœur de tout ce combat. En son temps, il a uni, invisiblement, par-delà des frontières infranchissables, ceux qui restaient dans notre patrie si longtemps tourmentée et si tourmentée, et ceux qui, comme mes parents et moi, se retrouvaient en terre étrangère, privés de patrie et d’une terre où s’installer. Il nous a unis ; il était celui qui priait pour nous tous, et pour qui, ici comme là-bas, nous pouvions prier d’un seul cœur. Quel miracle ! Bien sûr, il a prié pour nous, pour la terre russe, aussi bien de son vivant que lorsqu’il se tenait devant le trône de Dieu. Reconnaître sa sainteté ne témoigne pas avant tout de sa sainteté, mais du fait que nous pouvons désormais la proclamer, la comprendre comme nous ne la connaissions peut-être pas auparavant, et nous remercions Dieu que, comme lui, suivant ses enseignements, son image, des millions de personnes dans leur patrie aient vécu et péri selon leur foi. Gloire à Dieu ! Et donc, quand vient le temps de la douleur, grande ou petite, rappelons-nous que notre douleur est la douleur du Christ, que nous la portons parce que nous appartenons au Christ, parce que nous sommes son corps sur terre, la continuation de sa présence corporelle, de son corps crucifié. Amen !

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