Homélie L’amour des ennemis 19/10/2025
Lecture de l’Évangile selon saint Luc (du jour) (Lc VI,31-36)
En ce temps-là, Jésus déclara : « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment. Si vous faites du bien à ceux qui vous font du bien, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi agissent de même. Et si vous prêtez à ceux de qui vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Les pécheurs aussi prêtent aux pécheurs, afin de recevoir la pareille. Mais aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très Haut, car il est bon pour les ingrats et pour les méchants. Soyez donc miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux. »
(St Jean de Ryla) (Mt XI,27-30)
En ce temps-là, Jésus déclara : « Toutes choses m’ont été données par mon Père, et personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ; personne non plus ne connaît le Père, si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger. »
Au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit,
Aujourd’hui, nous avons entendu un Évangile d’une grande profondeur. Il y aurait beaucoup à dire, mais j’aimerais approcher seulement quelques points.
Il y a d’abord une grande pédagogie dans ce texte. On se demande souvent, mais quoi faire pour vivre l’Évangile ? Comment faire ? Juste avant le passage que nous venons d’entendre le Christ nous dis clairement : « On vous hait ? Faites du bien. On vous maudit ? Bénissez. On vous diffame ? Priez pour eux. On t’enlève ton manteau ? Ne refuse pas ta tunique. On te demande ? Donne. On t’enlève ton bien ? Ne le réclame pas. ».
Cette liste évidemment est à aborder avec sagesse et discernement pour ce qui est du don. Une personne qui n’a pas les moyens de donner sur un plan matériel, donnera sur un plan spirituel, un don de soi, de sa personne, par sa prière, son sourire, sa bonne pensée, son temps, son service, les formes de don sont infinies. Le christianisme ne repose pas sur une loi morale de bien et de mal, n’est pas une doctrine religieuse ou philosophique, c’est le Chemin que nous a montré le Christ pour devenir véritablement des êtres humains dans son sens le plus profond.
Hommes et femmes crées à l’Image de Dieu et appelés à tendre vers Sa ressemblance. Nous sommes chrétiens parce que nous aimons le Christ et que nous croyons qu’Il est mort et ressuscité pour nous sauver. Parce que nous avons répondu Oui à l’appel de la vraie Vie qui nous est proposée.
L’Évangile commence par « Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pour eux pareillement ». Ça paraît tellement évident mais quand on essaye de le mettre en pratique on se rend compte que ce n’est pas si facile, qu’on a vite tendance à attendre beaucoup de la part des autres tout en restant dans son confort,
nourri par le moi-d ’abord. Mais après tout, qu’est ce que nous attendons des autres ? Si ce n’est d’être aimés, vus pour ce qu’on est réellement, respectés dans notre dignité. L’Homme ne peut pas vivre sans amour, c’est pour ça qu’on ne peut vivre sans Dieu, qu’on reconnaisse ou non son existence. Si Dieu cessait d’aimer Sa Création, l’univers crée disparaîtrait instantanément. Il n’y a que l’Homme pour se sentir le droit de rejeter Dieu en disant « Donne-moi tout et va-t’en, je ne veux pas t’aimer. » Dieu peut tout, sauf forcer l’Homme à l’aimer.
Il y a  une loi intérieure dans chaque être humain, l’Image de Dieu, la Présence en germe de l’Esprit Saint qui appelle sans cesse. Ce qui nous rend tous capable par la Grâce de Dieu, et par notre participation, d’aimer ceux qui nous aiment, de faire du bien à ceux qui nous en font, de prêter à ceux dont on espère recevoir quelque chose. Mais c’est une logique de ce monde qui trouve ses limites rapidement, qui peut nourrir une autosatisfaction : « Je suis une bonne personne, je fais tout ce qu’il faut, je n’ai besoin de rien de plus. ». Le Christ nous invite ici à vivre l’amour
différemment, il nous apprend à aimer d’une manière nouvelle, au-delà de nous- même ! J’insiste sur le mot au-delà, parce que c’est la Transcendance, Dieu est un au-delà au plus profond de nous-même.
« Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien attendre en retour. Votre récompense sera grande et vous serez les fils du Très-Haut, car il est Bon, Lui, pour les ingrats et les méchants. ».
Le Christ nous demande ici quelque chose de terriblement exigeant, une vraie mort à soi-même. Il nous demande de donner ce que nous recevons nous-même de Dieu, Son Amour infini.
Rappelez-vous l’Épître de Saint Paul sur la charité, charité qu’on peut remplacer par Amour. « L’amour est
patient ; l’amour est serviable, plein de bonté ; l’amour n’est pas envieux ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’irrite pas ; il ne tient pas compte du mal ; il ne se réjouit pas dans l’injustice, mais se réjouit dans la vérité ; il excuse tout, il croit tout, il espère tout, il supporte tout. L’amour ne passera jamais. ». Je vous invite à relire et méditer ce chapitre 13 de la 1 ère Epître aux Corinthiens de Saint Paul.
Mais quelle folie de réussir à aimer quelqu’un qui nous vole de force, qui nous fait du mal consciemment. Si Dieu ne nous donnait pas sa Grâce nous en serions incapables. S’Il n’avait pas traversé les pires souffrances en nous montrant par son exemple, son témoignage vivant, que tout finit par passer dans ce monde sauf l’Amour, nous n’aurions pas beaucoup de raisons de mettre en pratique ce commandement. N’oublions pas que nous sommes de passage ici, essayons de nous préparer selon les possibilités de chacun, dans l’espérance, la foi, et l’amour.
Le Christ à prié pour ceux qui le crucifiaient :
« Père, pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font ! Pardonne-leur parce qu’ils ne reçoivent pas Ton Amour ».
Il n’a jamais cessé d’aimer, il continuait de voir en l’Hommes Sa beauté originelle malgré les couches de crasses qui la recouvraient. C’est généralement ce que nous n’arrivons pas à faire, par sécurité, en voulant se protéger de la douleur d’un acte méchant envers nous, ce qui est d’ailleurs un reflexe plutôt sain, nous ne voyons plus qu’un être mauvais, prêt à nous blesser. Mais l’Image est toujours là. Il peut arriver que dans nos vies, ces rencontres soient parfois
révélatrices d’une partie de nous-même, de notre cœur qui n’a pas encore rencontré Dieu, qui n’a pas reçu la Lumière. Qu’elles soient une opportunité de conversion intérieure, une opportunité de ne pas juger et de découvrir le pardon,
« Pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ».
Quand on pense à un ennemi, on pense d’abord à ceux qui peuvent nous faire du mal, à ceux qui nous ont blessés, mais pas à nous-même. Je suis mon meilleur ami, celui qui peut se rendre participant au Salut, et je suis mon meilleur ennemi. Toutes les guerres commencent dans le cœur de l’Homme. Je suis porteur du bon grain ET
de l’ivraie, je ne souhaite cultiver que le premier et pourtant la deuxième pousse également, mais Dieu voit nos efforts, Il voit notre intention, ce que nous essayons de cultiver ! Et la moisson récoltera uniquement ce qui, en nous, aura été purifié par l’Amour, par le Saint Esprit.
Comme l’Evangile nous le dit : « Votre récompense sera grande, et vous serez Fils du Très-Haut ».
N’agissons pas en espérant la récompense, agissons comme des enfants du Père, à qui il à été confié le don et la responsabilité de partager l’Amour « Vous êtes le sel de la Terre ». Nous n’avons pas à nous fixer des idéaux impossibles à atteindre, qui nous découragent. C’est l’Esprit Saint qui nous donnera d’être compatissants comme le
Père. Avançons tranquillement, avec espérance, persévérance et prière. Saint Gabriel de Géorgie disait : « Aimez tout le monde ! Si vous n’y arrivez pas, mettez-y au moins un peu de bonne volonté. ». L’Amour qui nous relie à Dieu est un amour filial. Si Dieu est bon avec les ingrats et les méchants, en tant qu’enfants, demandons Lui la Grâce d’au moins essayer de l’imiter, d’aimer et d’être nous- mêmes rendus dignes de recevoir l’Amour du Père.
Amen