Homélie guérison de la fille d’une Cananéenne- 05/10/2025
Lecture de l’Évangile selon saint Matthieu (du jour) (Mt XV,21-28)
En ce temps-là, Jésus se retira dans le territoire de Tyr et de Sidon. Et voici, une femme cananéenne, qui venait de ces contrées, lui cria : « Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David ! Ma fille est cruellement tourmentée par le démon. » Il ne lui répondit pas un mot, et ses disciples s’approchèrent, et lui dirent avec insistance : « Renvoie-la, car elle crie derrière nous. » Il répondit : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » Mais elle vint se prosterner devant lui, disant : « Seigneur, secours-moi ! » Il répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants, et de le jeter aux petits chiens. » « Oui, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. » Alors Jésus lui dit : « Femme, ta foi est grande ; qu’il te soit fait comme tu veux. » Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.
(Sts Hiérarques) (Jn X,9-16)
En ce temps-là, Jésus déclara : « Je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et il sortira, et il trouvera des pâturages. Le voleur ne vient que pour dérober, égorger et détruire ; moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles soient dans l’abondance. Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Mais le mercenaire, qui n’est pas le berger, et à qui n’appartiennent pas les brebis, voit venir le loup, abandonne les brebis, et prend la fuite ; et le loup les ravit et les disperse. Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se met point en peine des brebis. Je suis le bon berger. Je connais mes brebis, et elles me connaissent, comme le Père me connaît et comme je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis. J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie ; celles-là, il faut que je les amène ; elles entendront ma voix, et il y aura un seul troupeau, un seul berger. »
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit
Aujourd’hui nous avons entendu ce passage de la vie du Christ, où il guérit la fille d’une cananéenne, malmenée par un démon. Cette femme est Cananéenne, ou Syro-phénicienne, de Palestine et de Phénicie. Elle appartient à un peuple païen, polythéiste.
Mais apparemment, inspirée par l’Esprit Saint de Dieu, elle a compris en elle qui était le Christ. Qui sait ce qu’elle a fait auparavant pour essayer de sauver sa fille ? Elle est peut-être aller voir des médecins, des magiciens, des prêtres, mais sans succès. Elle a dû entendre parler de Jésus de Nazareth, qui guérit les malades, enseigne dans le Temple, accomplit des miracles ! Dans son désespoir, elle a reçu l’inspiration de chercher auprès de Lui la solution, le remède pour sa fille.
Je suis frappé par plusieurs choses ici.
Et si cette femme n’avait pas connu les souffrances de son enfant ? Et si elle n’avait pas atteint un tel désespoir pour sauver sa fille ? Aurait-elle crié vers le Christ avec ces mots, ceux de la prière de Jésus, ceux de Bartimée l’aveugle de Jéricho, avec cette foi humble ? Peut-être qu’elle ne se serait jamais tournée vers le Christ.
Par exemple le starets Thadée à qui on avait dit quand il avait 15 ans qu’il ne vivrait pas plus de cinq ans, a décidé d’offrir sa vie entière à Dieu et à vécu jusqu’à plus de 83 ans. Le saint père Alexis Metchev qui est devenu staretz après la mort douloureuse de son épouse. Saint Paul qui vécut sa conversion après être devenu aveugle. Et combien sont nombreux ses exemples, y compris parmi nous.
C’est étonnant comme souvent nos épreuves, nos difficultés, nous ouvrent un chemin intérieur jusqu’alors voilé par notre confort, notre sécurité. Et aussi comme en un claquement de doigt ce monde bien rempli dans lequel nous vivons s’effondre avec sa vanité. Nous ne saisissons généralement pas le sens de nos épreuves .. Nous les vivons comme des contraintes qui viennent se rajouter à notre vie qui n’est déjà pas toujours facile ! Parfois même nous accusons Dieu, incapables de voir la beauté, aveuglés par le sentiment d’injustice : « Et alors Seigneur ? Pourquoi moi ? » « Ce n’est pas juste, éloigne tout de suite cette difficultés de moi ! ». La vie, la vie chrétienne, la vie spirituelle n’est jamais droite et rectiligne mais sinueuse.
Et si ces moments de vie, évidemment terribles pour ceux qui les vivent, nous proposais un changement intérieur, un chemin nouveau, une croissance de notre vie spirituelle, la croissance du Christ en nous.
On sait comme les poussées de croissances des enfants sont douloureuses pour eux, mais nécessaires, ou encore les douleurs de l’enfantement.
Non pas que nous devrions chercher la douleur et les épreuves, Saint Paul nous le dis : « est-ce pour autant que nous devons rechercher l’épreuve ? Certes non ! », mais plutôt l’accueillir de manière humble, vulnérable. « Voici ce qui m’arrive Seigneur, tu le vois, viens à mon secours, je ne peux rien faire sans Toi. ». Mais n’oublions pas malgré tout de rechercher le Christ en dehors des épreuves, dans les temps de paix et de joie.
C’est avec ses mots que la Cananéenne s’adresse au Christ, « Seigneur, Fils de David, aie pitié de moi. ». En ayant bien conscience que jamais Dieu ne permettra que l’épreuve dépasse nos forces. D’ailleurs j’aimerais préciser ici que ce n’est pas Dieu qui éprouve les hommes, Il permet des situations afin de nous donner les moyens de purifier, pacifier ce qui nous éloigne de Lui.
Quand nous souffrons, c’est le Christ qui souffre avec nous, en nous. Lui qui a complétement transfiguré, transcendé la douleur, qui est allé jusqu’à vivre la mort et l’absence de Dieu pour nous sauver. Lui, Dieu et Homme, par qui tout a été fait, avec le Père et l’Esprit n’a jamais désiré les conséquences de la chute, la mort, le péché, la douleur, la maladie. Lui qui a choisi de tout traverser pour nous donner les moyens de le suivre à chaque instant de nos vies, Il a vécu ces même douleurs dans le jardin de Gethsémani lorsqu’il a pleuré des larmes de sang. Souvenez-vous ses mots : « Père, si c’est possible, éloigne de moi cette coupe, mais que Ta volonté soit faite et non la mienne ».
C’est dans cette dimension que nous pouvons nous aussi approcher nos passages de vie difficiles. « Seigneur, je te rends Grâce de me donner l’opportunité de changer, de me repentir, d’approfondir ma foi, mon amour ! Je te rends Grâce de me faire découvrir ma fragilité, moi qui me crois fort, mon impuissance, moi qui me crois capable, mon humanité, moi qui me crois Saint. Je te rends Grâce même si je n’en ai pas envie, même si c’est difficile, parce que Tu es avec moi et que tu ne m’abandonnes jamais. ».
Le Christ est toujours avec nous dans la tempête, comme il était au milieu de la barque à dormir paisiblement, parce que le mal n’a aucune emprise sur Lui. Rien ne saurait troubler Sa Paix ! Sa Paix qu’Il nous donne si nous désirons la recevoir par-dessus tout.
La femme cananéenne l’a désiré par-dessus tout. Le Christ lui dit bien, « Qu’il te soit fait selon ton désir. ».
Nous voyons aussi le Christ dire : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. ». Lui qui est le Bon berger. Et si cette phrase signifiait que la femme faisait déjà partie des brebis retrouvées qui connaissent la voix de leur Maître ?
Que par sa foi, elle s’élance de tout son être vers le Christ, qui sort de son territoire, de sa terre intérieure loin de Dieu, qui chemine dans sa direction, qui l’aperçoit au loin et qui crie vers lui dans une prière désespérée pleine d’espoir, désespérée de son impuissance, espérant dans la Toute Puissance de Dieu. Pour arriver jusqu’à ses pieds .. On peut alors imaginer cette rencontre de visage à visage, de cœur à cœur, le visage du Christ ! Cette rencontre qui vient faire voler en éclat la dureté apparente de la parole de Jésus : « Il ne sied pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ».
On pourrait presque entendre le Christ lui dire : « Allons, es-tu réellement capable de recevoir ce que je m’apprête à t’offrir ? » Comme s’il souhaitais entrer dans la profonde humilité de la Cananéenne, comme s’il vérifiait son humilité en insistant. Pour enlever petit à petit les voiles qui recouvrent les vertus de la cananéenne ! Comme un joailler taille les faces d’un diamant brut, il vient révéler la beauté et le trésor de notre coeur. Qui est d’ailleurs bien consciente de la grandeur des Dons de Dieu, à tel point qu’elle sait que si même une miette, une petite parcelle du Royaume lui était offerte, sa fille serait sauvée. La mère s’est faite humble, pour sauver son enfant. On sent bien que cette parole ne la blesse pas ou ne la casse pas. Elle l’accueille dans la pauvreté du cœur, parce qu’elle aime son enfant plus qu’elle-même.
Alors essayons d’apprendre à rendre Grâce pour tout, à persévérer dans la prière et l’espérance avec le même cœur brûlant que la Cananéenne, à intercéder pour ceux qui souffrent autour de nous. Apprenons avec l’aide de Dieu le lâcher-prise dans l’épreuve et crions à Dieu comme dans le psaume 33 : « Voici un pauvre qui a crié, et le Seigneur l’a exaucé, de toutes ses tribulations, il l’a sauvé. ».
Amen