Homélie- Le démoniaque Gérasénien

Homélie Le démoniaque Gérasénien- dimanche 16 novembre 2025-

Lecture de l’Évangile selon saint Luc  (Lc VIII,26-39)
En ce temps-là, Jésus et les disciples abordèrent dans le pays des Géraséniens, qui est en face de la Galilée. Lorsque Jésus fut descendu à terre, il vint au-devant de lui un homme de la ville, qui était possédé de plusieurs démons. Depuis longtemps il ne portait point de vêtement, et avait sa demeure non dans une maison, mais dans les sépulcres. Ayant vu Jésus, il poussa un cri, se jeta à ses pieds, et dit d’une voix forte : « Qu’y a-t-il entre moi et toi, Jésus, Fils du Dieu Très Haut ? Je t’en supplie, ne me tourmente pas. » Car Jésus commandait à l’esprit impur de sortir de cet homme, dont il s’était emparé depuis longtemps ; on le gardait lié de chaînes et les fers aux pieds, mais il rompait les liens, et il était entraîné par le démon dans les déserts. Jésus lui demanda : « Quel est ton nom ? » « Légion », répondit-il. Car plusieurs démons étaient entrés en lui. Et ils priaient instamment Jésus de ne pas leur ordonner d’aller dans l’abîme. Il y avait là, dans la montagne, un grand troupeau de pourceaux qui paissaient. Et les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans ces pourceaux. Il le leur permit. Les démons sortirent de cet homme, entrèrent dans les pourceaux, et le troupeau se précipita des pentes escarpées dans le lac, et se noya. Ceux qui les faisaient paître, voyant ce qui était arrivé, s’enfuirent, et répandirent la nouvelle dans la ville et dans les campagnes. Les gens allèrent voir ce qui était arrivé. Ils vinrent auprès de Jésus, et ils trouvèrent l’homme de qui étaient sortis les démons, assis à ses pieds, vêtu, et dans son bon sens ; et ils furent saisis de frayeur. Ceux qui avaient vu ce qui s’était passé leur racontèrent comment le démoniaque avait été guéri. Tous les habitants du pays des Géraséniens prièrent Jésus de s’éloigner d’eux, car ils étaient saisis d’une grande crainte. Jésus monta dans la barque, et s’en retourna. L’homme de qui étaient sortis les démons lui demandait la permission de rester avec lui. Mais Jésus le renvoya, en disant : « Retourne dans ta maison, et raconte tout ce que Dieu t’a fait. » Il s’en alla, et publia par toute la ville tout ce que Jésus avait fait pour lui.

(St Matthieu) (Mt IX,9-13)
Jésus vit en passant un homme assis au bureau des taxes, et qui s’appelait Matthieu. Il lui dit : « Suis-moi ». Cet homme se leva, et le suivit. Comme Jésus était à table dans la maison, voici, beaucoup de publicains et de gens de mauvaise vie vinrent se mettre à table avec lui et avec ses disciples. Les pharisiens virent cela, et ils dirent à ses disciples : « Pourquoi votre maître mange-t-il avec les publicains et les gens de mauvaise vie ? » Jésus, qui avait entendu, déclara : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez, et apprenez ce que signifie : « Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices ». Car je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs ».

Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,

Chers amis, j’aimerais aujourd’hui approcher avec vous cet Évangile en concentrant l’homélie sur cet homme, ce possédé.
Comment en est-il arrivé là ? Qu’a-t-il vécu pour être enchaîné à ce point ? Pourquoi le Christ vient précisément à cet endroit ?
Plus loin dans l’Évangile de Luc, le Christ nous dit « Tout m’a été remis par mon Père, et nul ne sait qui est le Fils si ce n’est le Père, et nul ne sait qui est le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. »
Qu’est ce qui a été remis par le Père au Christ, au Fils si ce n’est l’Esprit Saint, l’Amour infini de Dieu. Toute la Création est  au cœur de l’Amour de Dieu, sans quoi rien ne pourrait exister.
Dans cette création existe cet homme, perdu, sans vêtements, vivant dans les tombes, autrement dit, un homme esclave des passions, acceptant de s’être fait la demeure des démons, pas encore revêtu de la lumière du Christ, vivant dans un état de mort spirituelle.

Le Christ vient aujourd’hui révéler l’Amour du Père à cet homme, qu’Il aime au point de donner Sa vie pour lui. Parce que cet homme est son enfant, nous sommes les enfants de Dieu, et quelle que soit notre condition, le Christ n’abandonnera pas une seule brebis. Souvenons-nous : « Il y a plus de joie dans le Ciel pour un seul pécheur
qui se repent que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de repentir ».

Peut-être que cet homme, entre deux crises, attaques de l’adversaire, a eu dans son cœur ne serait-ce qu’un léger désir d’être sauvé, un infime amour pour Dieu, et le Christ l’a vu. Dieu est comme l’ami importun, il frappe en permanence à la porte de notre cœur comme un mendiant d’amour ! Nous frappons nous aussi, mais sans
comprendre que la porte s’ouvre de l’intérieur. Chaque petite ouverture laisse le Christ remplir un peu plus nos vies. Chaque abandon de ce qui est injuste devant Dieu, lui permet de venir le remplacer par quelque chose de plus conforme à ce que nous sommes réellement. Arrêtons de nous défendre contre Dieu, brisons nos défenses, acceptons le vide intérieur avec confiance et espérance, c’est tout le sens du jeûne d’ailleurs.

Cet homme possédé avait atteint un tel état qu’il brisait les liens et les chaînes qui servaient à le garder, c’est-à-dire l’aide purement terrestre de ceux qui l’entouraient, et était emporté par le démon vers les déserts, ces même lieux arides que nous retrouvons dans Luc 23-26, j’y reviendrais. Cet homme est « divisé contre lui-même », il ne peut donc pas tenir et finit par s’effondrer. Il doit retrouver son unité, c’est-à-dire la communion avec Dieu, ce à quoi l’Homme est appelé tout au long de son existence. Face à un tel état, seul le Christ peut nous libérer, si nous le voulons bien.
C’est ce que fait le démoniaque en se mettant en route vers le Christ ! C’est lui qui vient à sa rencontre, mais c’est le démon qui parle : « Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très Haut ? Je t’en prie, ne me tourmente pas ».
On voit donc qu’a partir du moment où nous décidons de changer de chemin, toutes les choses qui nous rendent esclaves se manifestes en criant, notre désir d’aimer Dieu leur est insupportable. Notre vieil homme tire sans arrêt pour nous cloîtrer dans un confort, une illusion, une passion et ne jamais progresser dans l’Amour, de tourner en rond autour de nous-même. Le Christ est venu pour nous sauver de cet esclavage en renouvelant notre liberté, lui qui « n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir. ». Et la plupart du temps, plus dure est la chute, plus profond le repentir s’il est accueilli. Je ne dis pas ici de rechercher le malheur comme condition de salut, je dis que si le Fils Prodigue ne s’était pas enfoncé aussi loin dans l’absence de Dieu, il ne se serait peut-être jamais souvenu du Père. Certains bien sûr, ont vécu une vie pure et sainte, mais avaient néanmoins conscience de l’abîme qui les séparait de Dieu et tendait de tout leur être vers Dieu en ce monde avec l’espérance d’être unis à Lui après leur passage dans l’Éternité.

Le passage évangélique chez Simon le Pharisien rappelle aussi cela, quand le Christ dit à Simon au sujet de la femme qui couvrait ses pieds de larmes et les essuyait avec ses cheveux : « Ses péchés sont pardonnés parce qu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui a qui on pardonne peu montre peu d’amour. » On voit donc ici que celui à qui on fait une plus grande Grâce est capable d’un plus grand amour ! Voilà la Grâce que le Christ a donné au possédé, et qu’Il donne gratuitement à chacun d’entre nous.
Après avoir été guéri, l’homme se retrouve cette fois-ci assis, vêtu, dans son bon sens ! Quelle merveilleuse nouvelle pour nous, quel espoir de guérison !
Et après ? Que faire de tout ça ? Qu’allons-nous décider de vivre ? D’accomplir ? Jésus demande au Gérasénien « Retourne chez toi et raconte tout ce que Dieu a fait pour toi ».
C’est aussi notre mission de témoigner de ce que Dieu fait pour nous, « Personne, après avoir allumé une lampe, ne la recouvre, ou ne la met sous un lit, on la met au contraire sur un lampadaire, pour que ceux qui pénètrent voient la Lumière ».
Ce n’est pas parce que notre temple intérieur est balayé, bien en ordre, que nous serons épargnés des tentations ou des passions. Le fait d’être guéri implique maintenant un mouvement de notre part vers un chemin différent. Le combat spirituel est un combat de chaque instant, et nous demande une disponibilité, d’être attentifs à ce que nous vivons, à ce que notre vie soit conforme à l’Évangile que nous aimons.

C’est par la Grâce de Dieu que nous y arriverons ! Rappelons-nous, Dieu appelle, fais naître en nous le désir, nous y répondons et Dieu nous aide.

Alors chers frères et sœurs, profitons de ce temps de jeûne pour découvrir nos faiblesses dans la Lumière de la venue du Christ là où notre cœur ne l’a pas encore accueilli, sans culpabiliser, et lorsque nous aurons été renouvelés, revêtus du Christ Lui-même, levons-nous et suivons-Le, en suivant l’exemple de Saint Mathieu.

Amen

Père Syméon Çuhaciender