Catéchèse sur le jeûne – Père Syméon le 16 novembre 2025 –
Ceci est la transcription écrite de sa catéchèse prononcée le dimanche 16 Novembre dans la chapelle après les la liturgie et les agapes fraternelles
1- Introduction : le sens de cette catéchèse sur le jeûne
On va pouvoir commencer la catéchèse sur le jeûne. Je ne vais pas m’attarder sur les règles du jeûne. Chacun peut les trouver sur Internet, sur les sites qu’on a. Je ne vais pas non plus parler de l’aspect forcément historique du jeûne, de toutes les évolutions, etc. Je vais surtout essayer d’en parler de manière un peu pratique, un peu pastorale, un peu spirituelle. En fonction de mes limites, bien sûr, parce que je ne suis pas le plus grand théologien ni le plus grand ascète au niveau du jeûne. Mais je peux parler de ma petite expérience, et surtout celle des Anciens.
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L’origine du jeûne
L’origine du jeûne, est très ancienne, parce que ça a été un des premiers commandements de Dieu. Dans la Genèse, « tu ne mangeras pas du fruit de l’arbre ». Voilà le premier jeûne de l’Homme. Il commence déjà dans la Genèse. Ensuite, il continue tout au long de l’Ancien Testament pour arriver jusqu’au jeûne sur lequel on s’est appuyé principalement, qui est le jeûne du Christ. Le jeûne pendant les 40 jours où le Christ, après son baptême, est poussé par l’Esprit au désert. Il jeûne et au bout de 40 jours, il est tenté par le diable. Dans l’Ancien Testament, on voit aussi le jeûne de Moïse sur le Mont Sinaï pour recevoir les Tables de la Loi. Le premier grand jeûne, avant celui du Christ, qui, lui, vient nous libérer de la loi, qui vient accomplir cette loi dans le Nouveau Testament.
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Le symbole des 40 jours
Dans ce jeûne, on retrouve souvent le nombre 40. On commence le carême de l’Avent, c’est 40 jours. Le carême de Pâques, c’est 40 jours plus une semaine pleine de la Semaine Sainte. Le chiffre 40 revient beaucoup. Pourquoi ? Parce que c’est un chiffre qui représente le temps nécessaire à un accomplissement. C’est le chiffre qui représente le temps nécessaire à une période de transition. C’est un passage d’un état à un autre. Le 40, on le retrouve : les 40 jours du déluge, le temps de Noé ; on le retrouve chez Moïse, qui attend les tables de la loi ; on le retrouve dans les 40 années du peuple d’Israël dans le désert ; on le retrouve chez Élie, le prophète qui marche pendant 40 jours vers la montagne de Dieu ; on le retrouve dans le jeûne du Christ ; on le retrouve entre la Résurrection et l’Ascension ; on le retrouve dans le temps de la grossesse d’une femme ; on le trouve dans les 40 jours que l’âme met à quitter le corps. Voilà : 40, c’est vraiment un temps de passage.
Et pour nous, ici, maintenant, le carême de l’Avent va commencer parce qu’on va devoir passer d’un état à un autre. Et ce sera tout au long de notre vie de chrétien, une succession d’états, de progression, d’évolution et de croissance spirituelle pour nous.
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Sources de la catéchèse
Je vais citer plusieurs sources pendant cette petite catéchèse. Je vais citer l’Évangile, Saint Jean Climaque dans « L’Échelle sainte », et mon père spirituel, le Père Gérasime, le frère Jean, qui est moine au skite Sainte-Foy dans les Cévennes et qui partage un enseignement vécu et riche. Donc, si vous le voulez bien, écoutons Saint Jean Climaque dans un premier temps.
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Saint Jean Climaque : définition du jeûne
« Le jeûne est une violence faite à la nature. L’amputation de ce qui flatte le goût, l’extinction du feu de la luxure, le retranchement des pensées mauvaises, la délivrance des rêves, la pureté de la prière, la lumière de l’âme, la garde de l’intellect, l’affranchissement de l’endurcissement, la porte de la conversion, donc le repentir, l’humble gémissement, la prière, la contrition joyeuse, l’assouplissement de la loquacité — on se recentre sur soi-même — la source de l’Ézéchiel, le gardien de l’obéissance, l’allégement du sommeil, la santé du corps, le protecteur de l’impassibilité, la rémission des péchés et la porte du paradis et ses délices. »
C’est intense et c’est tout un programme pour celui qui commence le jeûne ! Souvent, quand on commence à jeûner, on ne se dit pas que potentiellement, on peut vivre toutes ces choses-là. C’est extraordinaire. Mais ça commence quand même par : « c’est une violence faite à notre nature ». Ça commence par un effort. Souvent, les trois premiers jours du jeûne sont difficiles. Après, ça va un petit peu mieux. Mais dans un premier temps, il y a une vraie participation, un vrai retranchement de nos habitudes. Il n’y a pas de bonnes habitudes dans notre spiritualité. Un retranchement de notre volonté propre, du désir qui parfois peut s’éparpiller.
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Le carême de l’Avent et le mouvement de la nature
Et surtout pendant le carême de l’Avent, parce qu’on voit bien ce qui se passe dans la nature autour de nous : les arbres perdent leurs feuilles, la sève descend dans les racines, tout devient un peu lent, un peu sombre, un peu terne. Toute la nature se recentre au plus profond d’elle-même pour s’apprêter, se préparer doucement à ce que la sève jaillisse de nouveau et à ce que la Résurrection se passe, donc au carême de Pâques, au printemps. Mais d’abord, on est en hiver, donc toute la sève redescend doucement.
Ainsi nous aussi : c’est un temps où on doit se recentrer. C’est un temps où on doit ralentir, c’est un temps qui est doux, un temps de douceur. Le carême de l’Avent, il est moins strict au niveau des règles du jeûne que le carême de Pâques par exemple. Et il est orienté complètement différemment dans son but, même si évidemment tous les carêmes tendent à faire naître la vie en nous.
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Les différents carêmes et leur orientation
Le carême de Noël, c’est jeûner pour faire naître la vie, pour faire naître le Christ en nous. Le carême de Pâques, c’est pour la Résurrection, donc de nouveau faire naître la vie. Le carême de la Dormition, pour la naissance au ciel de la Mère de Dieu : on voit encore que dans la mort, il y a de nouveau une naissance, on va faire naître la vie encore en nous. Le carême des Apôtres également. Il y a différentes orientations en fonction de chaque carême.
Mais voilà, le but est toujours de faire naître la vie en soi, de se laisser féconder. Ça, c’est important. On ne crée pas juste un vide pour rien. On crée un vide pour faire naître quelque chose. Et voilà, c’est ce passage d’un état à l’autre : c’est le Christ qui grandit en nous.
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Le jeûne eucharistique et les jours de jeûne
Donc, il y a aussi le jeûne eucharistique. On jeûne selon les possibilités de chacun avant la liturgie, que ce soit le matin même ou la veille au soir. On jeûne les mercredis, les vendredis. Il y a des jours de jeûne comme le dimanche de la Croix, par exemple en septembre, où on va jeûner totalement. Voilà, mais tous les jeûnes sont porteurs de vie. Ça, c’est vraiment important. Ce n’est pas une mortification du corps. Si je ne veux pas jeûner, je ne jeûne pas, c’est aussi simple que ça. Ce n’est pas une privation, mais un acte de foi, d’amour, qui est accompli librement.
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Jeûner comme don de soi
Jeûner, c’est un don de soi. C’est une notion qui est importante aussi. Jeûner, c’est un vrai don de soi. Dans le carême de Noël, on crée un vide en soi pour devenir comme la grotte où le Christ est né. Et dans cette grotte, il y a également nos animaux intérieurs qui sont pacifiés. Tout le temps du jeûne aussi va servir à ça : toutes nos passions, tout ce qui crie en nous, tout ce qui nous empêche de venir au Christ. Dans ce temps-là, on va pouvoir les nommer, les rencontrer et demander au Christ d’apporter la paix.
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Le but du jeûne : la connaissance de soi
Le jeûne, c’est, dans l’Église, le meilleur moyen de la connaissance de soi. Pendant le jeûne, on affûte nos sens intérieurs, on affûte nos sens spirituels parce qu’on vient vraiment se concentrer sur la Présence. C’est un temps où en général on fait ce qu’on n’a pas l’habitude de faire.
J’ai l’habitude de regarder une série le soir : pendant le temps du jeûne, je ne vais plus le faire, je vais lire l’Évangile, je vais lire quelque chose de spirituel, je vais lire autre chose, je vais prendre un temps de prière, un temps de contemplation. Je vais m’asseoir devant la fenêtre et rendre grâce à Dieu pour toute la beauté de la création. Voilà, ça peut être une multitude de choses, mais on le remplace par un petit effort, par un moment de notre vie qu’on peut offrir plus profondément à Dieu.
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Créer un vide pour que Dieu prenne racine
Par le jeûne, je crée un vide en moi pour que Dieu prenne racine. Pour que Dieu prenne racine. Ça, c’est important. Dieu n’attend que ça : remplir les espaces vides de notre vie. Il n’attend que ça. Et c’est nous qui lui fermons la porte, c’est nous qui ne le laissons pas rentrer, c’est nous qui l’empêchons de venir et de participer à notre vie. Lui, il n’attend que ça. Comme je l’ai dit dans l’homélie tout à l’heure, c’est un mendiant d’amour qui frappe en permanence à la porte de notre cœur. Cette phrase vient de père Gérasime.
Ce temps sert à dominer tout ce qui nous domine et à reprendre notre juste place en nous-mêmes, à fuir l’esclavage des passions.
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La vision de Dieu : motivation première du jeûne
Et notre motivation première pour le jeûne, c’est la vision de Dieu. Pour ça, père Gérasime va mieux parler que moi. Donc je vais lire un petit paragraphe :
« Le jeûne n’est pas une privation, mais un don. Il n’est pas lié à un manque, mais à une offrande. Il est motivé par l’amour et non pas par un désir de domination. Ce qui motive le jeûne pour les orthodoxes, c’est la vision de Dieu. Dieu n’est pas voilé, c’est moi qui le voile. Le jeûne devient le meilleur moyen de la connaissance de soi. Il débute par la vision de notre propre réalité.
Par le jeûne, je crée un incident dont je suis le maître. » Alors j’arrête la cigarette, j’arrête de regarder mon téléphone, j’arrête l’alcool, j’arrête la télévision, j’arrête la médisance, j’arrête telle ou telle nourriture. Voilà, je crée un incident librement dont je suis à l’initiative, dont je suis le maître.
« Le jeûne me permet d’ouvrir des portes, d’arracher des voiles qui me masquent la réalité, de me purifier et d’enlever le masque qui me pousse à présenter un visage figé qui n’est pas le mien. » Évidemment, tous ces voiles, c’est tout ce qui recouvre le visage du Christ en nous.
A partir du moment où je crée un incident dont je suis le maître, où je veux retrancher quelque chose pour laisser la place à Dieu, ce quelque chose en question va se rebeller. Il va commencer à crier, à dire : « Non, non, moi, je ne suis pas d’accord. J’étais bien à regarder mon téléphone des heures et des heures. Tu vas continuer à le faire. » On est vite repris par nos habitudes. On est vite repris par tout ce qui nous rend esclaves, même si on n’en a pas conscience.
Moi le premier, je n’accuse personne, je ne regarde personne. C’est vraiment moi le premier. Si je vous en parle, c’est que je l’ai expérimenté et que je l’ai vécu et que j’en parle d’abord pour moi-même.
13- Transformer la faim en faim de Dieu
Le jeûne donne faim. Alors, remplaçons cette faim, réorientons-la vers la faim de Dieu. Voilà, moi, je suis très gourmand. D’ailleurs, je rappelle au passage que la gourmandise, ce n’est pas un péché ; c’est la dépendance à la gourmandise qui est un péché. La dépendance, on le sait, c’est un péché.
Parce qu’on n’est pas forcément gourmand de chocolat, gourmand de sucré. On peut être gourmand de vie, gourmand d’eau, gourmand de pain, gourmand de belles choses, gourmand de tout ce qui est juste, etc. C’est la dépendance qui nous rend esclaves.
Et ainsi, en ayant faim de Dieu, comment faire ? Eh bien nourrissons-nous, pour citer le Christ, comme lorsqu’il est tenté par Satan : nourrissons-nous de toute parole qui sort de la bouche de Dieu, souvenez-vous, et non de pain seul. « L’homme ne vivra pas de pain seul, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
Le jeûne sert à développer le goût de Dieu, donc le repentir, la dévotion, la compassion, etc. Et ça nous demande toujours un effort au-dessus de nos possibilités.
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La mesure de l’effort et la progression personnelle
Ça, c’est important. Il faut bien prendre conscience que tous les efforts qu’on va offrir à Dieu dépassent nos possibilités, et c’est Dieu lui-même qui vient et qui nous soutient pendant ces efforts. Il n’y a pas de petits efforts.
Ce n’est pas parce que l’un va jeûner strictement pendant trois jours et qu’un autre va juste pouvoir se retenir de manger du chocolat, que l’un est plus juste que l’autre. Chacun avance à son rythme. Chacun avance selon ses possibilités.
C’est la sincérité de l’effort et l’engagement qui est fourni devant Dieu qui comptent. Bien sûr, dans un moment de zèle, on a envie de faire plus, on peut faire plus, mais le but, c’est de tenir. Le but, c’est de tenir dans la durée. Ce n’est pas d’abandonner, de faire des exploits, de faire le yo-yo : je fais un grand exploit, après je rechute, puis je me reprends et je refais quelque chose d’incroyable et après je rechute.
Le but, c’est quand même de maintenir dans la durée. Maintenir dans la durée et d’être doux, d’être doux avec soi-même. Ce n’est pas un temps où on se flagelle, c’est un temps où on se grandit. Et je ne connais pas beaucoup d’enfants qui ont grandi en étant battus ou flagellés.
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L’esprit du jeûne avant la lettre
Je pense qu’il faut, au contraire, ne pas se glorifier ni se faire mousser. Parce que de toute manière, les démons jeûnent plus que nous. Les démons connaissent la Parole de Dieu par cœur. Ils sont esprits. On a aucun motif de gloriole personnelle. On fait ce qu’on peut.
On fait ce qu’on peut et c’est surtout l’esprit dans lequel on va jeûner qui va être important. Le jeûne, il est avant tout spirituel. Il n’est pas forcément matériel. Ce n’est pas parce que je suis toutes les règles parfaitement que je jeûne bien. Ça, ce n’est pas vrai.
Le jeûne, c’est un jeûne spirituel. Il faut bien comprendre que si je me retiens de dévorer de la viande, mais que je dévore mon frère par mon attitude, ça ne sert à rien.
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Le jeûne selon Isaïe (Isaïe 58)
Dans Isaïe, Dieu lui-même parle du jeûne qui lui est agréable. Je vais vous lire ce passage d’Isaïe.
C’est Dieu qui parle par la bouche du prophète. « Et les hommes demandent à Dieu : « Pourquoi avons-nous jeûné sans que tu le voies ? Nous sommes-nous mortifiés sans que tu le saches ? »
Et Dieu de répondre : « C’est qu’au jour où vous jeûnez, vous traitez des affaires et vous opprimez tous vos ouvriers. C’est que vous jeûnez pour vous livrer aux querelles et aux disputes, pour frapper du poing méchamment. Vous ne jeûnerez pas comme aujourd’hui, si vous voulez faire entendre votre voix là-haut. Est-ce là le jeûne qui me plaît, le jour où l’homme se mortifie ? Courber la tête comme un jonc, se faire une couche de sac et de cendres, est-ce là ce que tu appelles un jeûne, un jour agréable à Yahvé ?
N’est-ce pas plutôt ceci, le jeûne que je préfère : défaire les chaînes injustes, délier les liens du joug, renvoyer libres les opprimés et briser l’esclavage ? N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ? Héberger chez toi les pauvres sans abri ? Que tu voies un homme nu et que tu le vêtisses, sans te dérober devant celui qui est ta propre chair.
Alors ta lumière éclatera comme l’aurore, ta blessure se guérira rapidement, ta justice marchera devant toi et la gloire de Yahvé te suivra. Alors tu crieras, et Yahvé répondra ; tu appelleras et il dira : “Me voici”. Si tu bannis de chez toi le joug, le geste menaçant et les paroles méchantes, si tu te prives pour l’affamé et si tu rassasies l’opprimé, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et l’obscurité sera pour toi comme le milieu du jour. Yahvé sans cesse te conduira, il te rassasiera dans les lieux arides, il donnera la vigueur à tes os et tu seras comme un jardin arrosé, comme une source jaillissante dont les eaux ne tarissent pas. »
C’est magnifique, extraordinaire, et ça vient de Dieu par la bouche du prophète. On voit bien que tout ce qui est important ici, c’est rappelé par le Christ dans l’Évangile du jugement dernier : « Vous m’avez vu pauvre… » etc.
On voit que tout ça est rappelé dans le Nouveau Testament. On le voit aussi que c’est une réconciliation avec les autres et, dans une dimension plus intérieure, une réconciliation aussi avec soi-même. Parce qu’on ne peut pas vraiment se réconcilier avec les autres si on n’a pas fait la paix avec soi-même.
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La paix intérieure et la paix autour de soi
C’est Saint Séraphim de Sarov qui nous dit : « Acquiers la paix, et des milliers autour de toi seront sauvés. »
Il n’a pas dit : « Donne la paix à des milliers et toi, tu seras sauvé. » Il a dit : « Toi d’abord, acquiers la paix, et des milliers autour de toi seront sauvés. »
C’est une descente dans ces terres intérieures, dans la fosse. On va y rencontrer tous nos animaux intérieurs, tous les animaux qu’Adam nomme dans la Genèse, pour pacifier toutes ces causes et ces faiblesses qui se réveillent pendant le jeûne.
À partir du moment où, si je fume dix cigarettes dans la journée, j’en enlève deux. À l’instant même, je vais être irritable. À l’instant même, ma transpiration va changer. À l’instant même, mon comportement va changer. Il y a quelque chose qui se réveille. Et c’est là que je me rends compte qu’il y a la dépendance. C’est là que je me rends compte qu’il y a division en moi.
Si j’enlève mon carré de chocolat en dessert et que ça ne va pas, il y a une division. C’est là qu’il faut se libérer.
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Le jeûne comme découverte de soi
Ça sert aussi à prendre conscience de soi, à mieux se connaître et à découvrir ce qui entrave notre vie spirituelle dont on n’a pas forcément conscience dans notre quotidien ou dans le reste de l’année, où on a nos habitudes, on a notre confort, on pense qu’on fait bien les choses parfois, etc. Le but du jeûne, c’est aussi de rencontrer ces choses-là.
Quand on rencontre en nous-même les causes de nos divisions, on peut leur dire : « Tu cries ? D’accord, pourquoi tu cries ? Qu’est-ce qui ne va pas ? » Souvent, il y a des causes qui sont vraiment profondes, des causes qui peuvent remonter à l’enfance, qui peuvent remonter à des traumatismes, qui peuvent remonter peut-être même à l’intergénérationnel : quelque chose qui s’est passé dans la famille, de traumatisant, de violent, etc., et qui se transmet.
Et c’est à moi, au travers du jeûne, d’en découvrir la cause pour me libérer, pour m’unifier, recréer l’unité en moi. Comme le Gadarénien d’aujourd’hui qui est complètement divisé : tout royaume divisé contre lui-même ne peut pas tenir. Il faut retrouver l’unité.
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Ne pas réduire le jeûne à une observance extérieure
Le jeûne, c’est un temps qui nous permet de trouver l’unité. Il ne faut pas faire du jeûne une stricte observance extérieure des règles. C’est bien de les suivre, parce que l’Église les a prescrites, c’est un moyen comme un autre, mais il ne faut pas oublier l’Esprit.
Il y a la règle, il y a la lettre, et il y a l’esprit de la lettre. Ça, c’est très important. Il ne faut pas faire du jeûne une stricte observance extérieure des règles, ni non plus un moyen de mincir, ni une diète médicale, ni une technique psychologique pour se pacifier.
Le jeûne est spirituel. C’est un don et un élan spirituel que j’accomplis en toute liberté.
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Liberté, amour et obéissance
Je ne le fais pas parce qu’on me dit de le faire. Je le fais parce que j’aime le Christ, que j’ai envie de m’approcher de Lui, et qu’on me propose un moyen de le faire. Donc je me place, d’une certaine manière, dans l’obéissance à l’Église, dans l’obéissance à Dieu, et surtout je le fais par amour.
Par amour, c’est surtout ça qui motive le jeûne. Si je le fais par obligation, ça ne peut pas tenir. Ça ne peut pas tenir dans le temps, à moins d’avoir un zèle incroyable et de tenir toute sa vie comme ça, mais ce n’est pas le cas de tous.
Par exemple, je pense à saint Sabas. Il avait 8 ans, voici le récit d’un épisode de sa vie : « Un jour, comme il travaillait au jardin, il lui vint l’envie de manger une pomme. Mais, il venait à peine de la détacher de l’arbre, qu’il domina avec énergie la tentation de la gourmandise en se disant : « Beau à voir et bon à manger était le fruit qui me donna la mort par l’entremise d’Adam. Adam préféra ce qui apparaissait délectable à ses yeux charnels, et il fit plus de cas de la satisfaction de son ventre que des jouissances spirituelles. N’allons donc pas, dans la torpeur du sommeil spirituel nous éloigner des splendeurs de la tempérance ». Jetant la pomme à terre et la foulant aux pieds, il remporta la victoire contre la convoitise et, jusqu’à sa mort, ne mangea plus jamais de pomme. »
Là, c’est quand même un exemple extrême par rapport au jeûne, par rapport à l’ascèse et au zèle dans l’observance des règles. C’est surtout l’Esprit qui habite notre jeûne qui est important.
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Une offrande vivante dans le temple du corps
Le jeûne est motivé par l’amour, pas par la privation. Et en jeûnant, on devient — c’est une expression magnifique — une offrande vivante dans le temple de notre corps. (Frère Jean)
Je redis : on devient une offrande vivante dans le temple de notre corps. C’est pour ça qu’une femme enceinte ne va pas jeûner. Elle ne va pas jeûner parce que si le but est de faire naître la vie en soi, elle est en train de l’accomplir dans son propre corps. Une femme enceinte vit le jeûne par excellence, le plus grand des carêmes. C’est le but premier.
Il y a une grande diversité de jeûnes et les buts sont tout aussi variés.
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Diversité des jeûnes et transformations intérieures
Pour reprendre ce que je disais juste avant : ce que la femme enceinte accomplit dans son propre corps, tous, nous sommes appelés à le vivre nous aussi.
Parce qu’on est masculin-féminin, on est homme et femme. « Homme et femme, il les créa. » Il n’a pas dit : « Il a créé les hommes, il a créé les femmes. » « Homme et femme, il les créa », et c’est dit avant la création d’Adam. Ça, c’est important aussi. On est porteur de cette polarité complémentaire, si je peux dire ça comme ça.
Il y a une grande diversité de jeûnes et les buts sont tout aussi variés. Les évolutions intérieures causées par le jeûne, donc en avançant de profondeur en profondeur, viennent révéler petit à petit notre visage ultime, transfiguré par la grâce. Petit à petit, on vient enlever les peaux mortes, on vient se libérer des dépendances, on vient se libérer des passions et on retrouve cette transparence.
Le visage transfiguré, c’est devenir assez transparent pour que le visage du Christ soit visible. Et pour ça, notre engagement doit être sincère et motivé par l’amour et le désir de nous unir plus profondément à Dieu.
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Découvrir ses faiblesses sans culpabilité
Ça permet aussi de découvrir nos faiblesses sans nous justifier et sans culpabiliser. Ça peut rejoindre la catéchèse sur la confession qu’il y avait eu la dernière fois.
On s’approche de la confession pour exposer nos faiblesses à Dieu, ce qui nous pèse, sans nous justifier et sans culpabiliser. Je crée un incident dont je suis le maître. Je descends dans la fosse, je rencontre tout ce qui crie, toutes mes dépendances.
Et petit à petit, je les fais taire par… On a un moyen dans la Tradition orthodoxe qui s’appelle le souvenir de la mort. Pas de ma mort physique, forcément, mais le souvenir de cette mort qui donne la vie, le souvenir de la mort du vieil homme en nous.
Cette mort de l’ego. Cette mort de tout ce qui, en nous, nous empêche de tendre vers le Christ. Mais ce n’est pas une mort qui tue, c’est une mort qui donne la vie. Rappelez-vous la parabole du grain de blé : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il ne porte pas de fruit. »
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L’image du grain de blé et de la pomme
Il y a une mort que nous sommes appelés à vivre, c’est un mystère, il faut l’expérimenter. Ce n’est pas quelque chose qui peut s’expliquer, il faut l’expérimenter.
C’est comme la pomme dont je vous parlais tout à l’heure, comme le partage Père Gérasime. Elle tombe en terre et, à ce moment-là, c’est l’angoisse terrible. Il y a un monde nouveau, hostile, inconnu, c’est une terre où il y a des insectes, des animaux, des oiseaux qui viennent la manger, etc. C’est terrifiant, c’est une angoisse extraordinaire. Séparée de l’arbre mère, seule et vulnérable.
Nous-mêmes, en temps de jeûne, on est vulnérables, on arrive dans ce lieu où on se rencontre : « Oh mon Dieu ! Je suis comme ça. J’agis comme ça. J’ai ça en moi, je suis porteur de ça, mais c’est terrifiant, c’est terrible. Moi, je ne veux pas être comme ça. » C’est hyper angoissant et pourtant, c’est un passage qui est nécessaire. Il y a une voie mystique de l’angoisse.
C’est un passage qui est nécessaire. Et à l’intérieur de la pomme, il y a ce noyau dur qui, en nous, est l’ego. Et ce noyau dur, dans la terre, doit se décomposer. Là, on rentre dans l’humus, on rentre dans l’humilité. Se décomposer pour qu’en lui naisse tout ce potentiel de vie qui est inscrit dans ce noyau.
L’ego, c’est simplement ce noyau dur. Mais ce qu’il y a à l’intérieur, c’est la présence du Christ en nous. C’est le tendre germe qui est en potentiel et qui va exploser, qui va être appelé à traverser la terre au temps de l’Ascension, pour ensuite ressusciter et donner de beaux fruits, grandir, grandir, grandir en permanence.
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La Croix au centre du passage
Mais il y a d’abord toute cette étape de mort.
Pour ça, même pendant le Grand Carême, le dimanche de la Croix est en plein milieu. Parce que c’est le centre du passage d’un état à un autre. C’est le centre du passage d’un mode de vie, d’un mode d’existence à un autre.
Dès le dimanche de la Croix pendant le Grand Carême, on tend déjà vers la Résurrection. On est déjà dans un mouvement d’élan vers Dieu.
Plus on se vide de l’ego — l’image avec la pomme en terre — plus le tendre germe, le Christ, remplit l’espace de notre cœur. On se remplit de la douce présence de Dieu pendant les carêmes.
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Le carême de l’Avent : un carême intériorisé
Comme je l’ai dit tout à l’heure, Le carême de l’Avent est un carême intériorisé. Comme la nature s’intériorise, nous aussi, on s’intériorise.
C’est un temps doux et émerveillé. Recentré, un temps au ralenti. Chaque carême a une énergie particulière, un élan particulier.
Et celui de Noël, c’est vraiment, je pense, un temps où on doit ralentir, prendre le temps d’écouter, prendre le temps de regarder, prendre le temps de contempler, surtout contempler ce qui se passe en nous. C’est quelque chose de vraiment très doux, de profond.
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Les paroles de l’Évangile sur le jeûne
Évidemment, dans l’Évangile, il y a une multitude de passages sur le jeûne.
Lorsque dans l’Évangile, le Christ nous dit : « La porte est étroite. ». Ça, c’est mystérieux.
Quand on arrive devant la porte du carême, effectivement, elle est très large, on y entre avec tout notre bagage et, à la fin, elle est très étroite. Au début, on arrive avec toutes nos faiblesses, toutes nos passions, toutes nos dépendances, tout ce dont on est esclave. Là, on passe.
Pas de problème, l’entrée du carême est assez grande pour qu’on puisse passer. Et petit à petit, on va se dépouiller, on va se libérer, on va se détacher de toutes ces choses-là par la grâce de Dieu, et par l’ascèse.
Je vous rappelle que l’ascèse est toujours une joie. Et petit à petit, on va arriver devant cette porte.
Devant la porte de cette fin de carême, de cette fête de la Nativité, on arrive disponible, pacifié, purifié de tout ce qui était en trop pour pouvoir accueillir cette nouvelle présence et surtout la garder. On y reviendra après.
28 –Saint Jean-Climaque et la voie étroite
Je vais lire un passage de nouveau de Saint Jean-Climaque :
« Si tu as promis au Christ de suivre la voie étroite et resserrée, restreins ton ventre, car si tu le soignes bien et le mets au large, tu violes tes engagements. Sois attentif et écoute celui qui dit : “Large et spacieuse est la voie qui mène à la perdition de la fornication, et nombreux sont ceux qui y entrent. Étroite, en effet, est la porte et resserré le chemin du jeûne qui conduit à la vie de pureté, et peu nombreux sont ceux qui s’y engagent.” »
Évidemment, quand on dit ça, dans notre quotidien, nous, on en est bien loin, et ça peut faire peur. Ça peut faire peur, on peut se dire : « Oh là là, je n’y arriverai jamais, c’est trop difficile. » On peut se trouver plein d’excuses : « Il s’adresse aux moines… » etc.
Ce qui est important, c’est surtout de se dire : comment, moi, je peux l’accomplir et le mettre en pratique à ma mesure dans ma vie ? C’est surtout ça, le plus important.
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Ne pas jeûner pour être vu
Évidemment, dans l’Évangile, il y a le jeûne du Christ. Il y a ce passage où il nous dit : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu comme les hypocrites ; ils prennent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu’ils jeûnent. En vérité, je vous le dis, ceux-là ont déjà reçu leur récompense. »
Et là, il change : il ne dit plus « vous », il dit « toi ». « Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage. Ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est là, dans le secret. Et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. »
Pendant le jeûne, on n’a pas à se juger les uns les autres sur ce qu’on fait. Si quelqu’un mange de la viande devant nous, on n’a pas à le juger. Si quelqu’un chute ou est encore sujet à ses passions pendant le jeûne, on n’a pas à le juger.
C’est notre jeûne avec Dieu. Ce qu’on peut faire, c’est porter cette personne dans notre prière, et si ça nous perturbe un peu trop, qu’on vienne se confesser. Qu’on vienne se confesser, parce que ce n’est pas juste que ça nous perturbe.
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Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ?
Ailleurs, les disciples de Jean le Baptiste s’approchèrent de Jésus en disant : « Pourquoi, alors que nous et les Pharisiens, nous jeûnons, tes disciples ne jeûnent-ils pas ? »
Et Jésus leur répondit : « Les compagnons de l’Époux peuvent-ils mener le deuil tant que l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. »
Il y a un vrai mouvement de notre part vers Dieu, où le Christ, peut-être pendant un temps, va se retirer doucement pour que, de nous-mêmes, par notre propre liberté, on fasse ce choix de lui dire : « Je vais me préparer à ce que tu viennes en moi. Ainsi, librement, je vais accomplir ce temps. Peu importe les difficultés, je sais que tu me vois ».
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Prière, jeûne et foi contre les démons
Et un des derniers passages dans l’Évangile, c’est :
« alors les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent en particulier : « Pour quelle raison est-ce que nous n’avons pas réussi à expulser ce démon ? » Jésus leur répond : « En raison de votre peu de foi. Amen, je vous le dis : si vous avez de la foi gros comme une graine de sénevé, vous direz à cette montagne : “Transporte-toi d’ici jusqu’à là-bas”, et elle se transportera. Rien ne vous sera impossible. »
Et c’est par la prière et le jeûne seulement qu’on peut faire sortir ce genre d’esprit. »
Voilà, il y a des choses aussi qu’on peut nommer qu’en descendant — ça rejoint ce qu’on disait tout à l’heure — dans cet espace intérieur, dans la terre intérieure de notre cœur, et y rencontrer toutes nos blessures, tous nos traumatismes, tout ce qui nous empêche de vivre notre vie spirituelle, tout ce qui nous entrave.
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Jeûne et sport : une analogie
Le jeûne, on peut en faire une analogie avec l’art et avec le sport, par exemple.
C’est évident qu’avant une compétition de natation aux Jeux Olympiques, le nageur ne va pas se goinfrer, il ne va pas manger un gros plat. Il ne va pas se remplir le ventre. Il va suivre un régime alimentaire bien particulier.
Pourquoi ? Parce qu’il a un but. Et ce but, il l’accomplit par amour : par amour pour son sport. En l’occurrence, il veut gagner, il veut être bien, il veut être disponible.
Voilà, il va se donner les moyens pour pouvoir accomplir ce vers quoi il tend. C’est ce que nous, on fait le temps du jeûne. On utilise ce moyen pour se libérer, se délester de tout ce dont on n’a pas besoin et accomplir, durant le temps du jeûne, ce vers quoi on tend en tant que chrétien.
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Pas de technique, mais un esprit à acquérir
Il n’y a pas de technique pour le jeûne, c’est surtout un esprit à acquérir.
Comme on l’a vu tout à l’heure, c’est un effort qui est contre nature et on n’en sera pas libéré totalement. On en sera surtout pacifié par l’action de l’Esprit Saint.
Parce qu’on ne peut pas ne plus manger, par exemple, jusqu’à la fin de notre vie. On est dans un monde maintenant où, même par rapport au téléphone, c’est presque indispensable si on veut, du moins, avoir un peu de contact avec les autres, etc. Tout évolue, donc c’est difficile de se situer.
C’est difficile de se situer. Et il y a des choses dont on ne pourra pas forcément être libéré à moins de faire des choix radicaux. C’est surtout la façon dont on va les approcher, notre relation avec ces choses-là, la façon dont on y est dépendant ou non qui va être importante.
Et on en est pacifié, non pas par nos propres efforts, mais par l’action du Saint-Esprit qui agit en nous comme un feu et qui ne permet pas à nos passions d’agir comme nos maîtres, mais qui les transmute, c’est-à-dire qui les convertit en vertus.
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Maîtriser les passions, laisser Dieu donner les vertus
Nous, tout ce qu’on peut faire durant le temps du carême, c’est essayer de maîtriser nos passions. Pour ce qui est des vertus, c’est l’affaire de Dieu. Ce n’est pas notre affaire.
On peut essayer de faire quelque chose de bien, ça, ce n’est pas un problème. On peut essayer d’être vertueux. Mais ce ne sera jamais par nos propres efforts, ce sera toujours par la grâce de Dieu.
Nous, tout ce qu’on a à faire, c’est maîtriser nos passions pour que Dieu convertisse nos passions en vertus.
Et si on désire vraiment cultiver les vertus, on n’a qu’à en cultiver qu’une seule. Parce que les vertus, les saints Pères nous l’enseignent, sont comme les maillons d’une chaîne.
Si, par la grâce de Dieu, j’acquiers une vertu, elle m’en mènera une autre, qui m’en mènera une autre, qui m’en mènera une autre, etc. Ce sera de profondeur en profondeur.
L’amour va donner la patience, la patience va donner la paix, la paix va donner l’amour du prochain, l’amour du prochain, etc. Toutes ces choses-là, ce sont des dons de Dieu offerts par l’Esprit.
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Aller doucement pour tenir dans la durée
En ce temps de carême, allons doucement. Doucement, parce qu’il faut tenir dans la durée. Il ne faut pas exploser, il ne faut pas se décourager, il ne faut pas s’abîmer. Allons doucement.
Si ça inquiète ou pas, on peut demander la bénédiction pour être sûr : je suis tranquille, j’ai la conscience paisible.
Moi, je le fais, par exemple, quand c’est difficile. Je ne sais pas trop quoi faire, je me sens faible. Je demande la bénédiction : « J’ai besoin de boire un verre d’eau, un café »
Et c’est toujours oui. Peut-être qu’un jour ce sera non. Il ne faut pas en profiter mais en demandant la bénédiction on se place dans l’obéissance.
C’est-à-dire que si on a peur de faire sa volonté, qu’on vienne demander la bénédiction : « J’aimerais jeûner de telle manière, j’aimerais faire ci, faire ça », etc.
Autant, si on a un père spirituel, il peut dire : « Oh là là ! Ça, c’est un peu trop. On va doucement, on regarde le contexte dans lequel tu vis, fais attention : ta famille, tes enfants, ton travail. Il faut tenir dans la durée. »
Autant, au contraire, ça peut être : « Eh bien, quand même, tu pourrais faire un peu plus. Tout va bien, donc vas-y, tu peux rajouter ça », etc.
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Faire de la place à Dieu dans le concret
Voilà, tous ces temps et ces espaces peuvent servir à lire un peu plus l’Évangile, à prendre des temps de prière un peu plus longs. Il faut que ces temps soient offerts à Dieu.
Il faut que Dieu puisse les féconder, pour que Dieu puisse venir au cœur même de notre vie.
Si on jeûne juste pour se libérer de quelque chose, ça n’a pas trop d’intérêt. On perd la relation.
Chacun à son rythme, mais mieux vaut la constance que l’exploit. Le carême, ce n’est pas une performance, c’est un acte de foi vécu librement.
Et si je ne veux pas jeûner, je ne le fais pas. C’est aussi simple que ça, mais je me prive évidemment d’une source vivifiante et je passe à côté de quelque chose.
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Après le jeûne : garder ce qui a été reçu
Et donc, pour finir : « Et après le jeûne, qu’est-ce qu’on fait ? »
Évidemment, parce que c’est bien beau d’avoir jeûné pendant 40 jours, d’avoir fêté, c’est la joie, etc. Et dès le lendemain, je replonge dans les mêmes choses. C’est souvent ce qui arrive.
Et puis parfois, malgré nous, on est repris petit à petit, malgré notre bonne volonté.
C’est pour ça que je dis d’avancer doucement, progressivement. On peut tout suivre à la lettre, mais il faut bien faire attention de pouvoir tenir dans le temps.
On n’est pas obligé de se libérer de tout d’un coup. Ce n’est pas en un carême, évidemment, au bout de deux mois, qu’on va se libérer de tout. Laissons Dieu enlever voile par voile, peau morte après peau morte.
On vient chaque dimanche communier. Pourtant, peut-être dans notre semaine, on revit des choses, on revit des moments de colère, on revit des jugements, on revit toutes ces choses-là.
On oublie que Dieu demeure en nous et nous en lui. Ça fait partie de la progression de la vie spirituelle, ça fait partie de notre chemin, ça fait partie de la croissance spirituelle.
Et il ne faut pas qu’on s’inquiète de tout ça. Il faut juste être sincère et engagé. Sincère, engagé et fidèle.
Trois choses qui sont importantes dans la vie et le combat spirituel : pouvoir tenir dans une relation et ne pas replonger au plus profond.
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L’avertissement de l’Évangile sur le démon qui revient
Sinon, on le voit dans l’Évangile du démon qui quitte une maison : le démon qui quitte une maison et qui la laisse balayée parce qu’il a été chassé, par exemple pendant le temps du jeûne.
Et le démon, qu’est-ce qu’il fait ? Il erre par des lieux arides, donc il est tout seul, il n’a plus de maison. Et quand il revient, il se dit : « Tiens… »
La passion qui revient : je suis retenté de nouveau, le démon se représente à la porte : « Toc, toc. »
« Tiens, ta maison est balayée, bien en ordre, mais tu n’as pas l’air si attentif que ça… »
Il va chercher sept autres démons plus forts que lui et il revient, et l’état de cet homme est pire que le premier.
Soyons attentifs au « et après ».
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Conclusion
Mais bien sûr, c’est là toute la difficulté : ça engage beaucoup de changements dans notre quotidien, etc. C’est pour ça qu’il faut être sincère.
Il vaut mieux faire peu, mais surtout dans la durée.
Gloire à Dieu pour tout.