Homélie dimanche 3 août 2025- Anticipation de la Transfiguration
Lecture de l’Évangile selon saint Matthieu (Transfiguration) (Mt XVII,1-9)
Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère, et il les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici, Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. Et voici, une voix fit entendre de la nuée ces paroles : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection : écoutez-le ! » Lorsqu’ils entendirent cette voix, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d’une grande frayeur. Mais Jésus, s’approchant, les toucha, et dit : « Levez-vous, n’ayez pas peur ! » Ils levèrent les yeux, et ne virent que Jésus seul. Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne parlez à personne de cette vision, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts. »
Au Nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit, Amen.
Chers amis,
Nous voici réunis tous ensemble pour célébrer la fête de la Transfiguration, nous sommes invités à contempler la beauté du visage Lumineux du Christ. J’aborderais quelques points de cet Évangile incroyablement riche, intense, infini.
Jésus emmène Pierre, Jacques et Jean sur le Mont Tabor. Souvenons-nous que Dieu s’était auparavant manifesté d’une manière similaire en appelant Moïse en haut du Sinaï pour lui transmettre les Tables de la Loi, et Moïse était descendu avec son visage rayonnant à tel point qu’on ne pouvait le regarder. Devant les Apôtres, le Christ fut transfiguré, Son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent blancs comme la Lumière ! Ici ce n’est pas le Christ qui change de forme, de figure, ce sont les Apôtres qui ont leurs yeux qui s’ouvrent selon ce que Dieu leur donne de voir, leurs yeux spirituels, physiques se trouvent libérés de leurs voiles, de leurs peaux mortes qui les recouvrent et leur cache cette vision. Pour un temps ils ont pu contempler le corps transfiguré de Jésus.
Mais quelle est cette Lumière ? Ou plutôt QUI est cette Lumière ?
Ce n’est pas une expérience surnaturelle, fictive, née de l’imagination. C’est une réalité. Arrêtons-nous un instant sur ce passage du prologue de Saint Jean : « Ce qui fut en Lui est la vie, et la vie est la lumière des Hommes. Et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas reçue. » (Jn 1, 4-5) et plus loin au verset 9 : « Il est la lumière
véritable qui éclaire tout Homme venant dans le monde ». Plus loin dans l’Évangile de Jean, le Seigneur nous dit : « Moi Je suis la Lumière du monde, qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de la Vie. »
(Jn 8, 12-20). Dans l’Évangile de Matthieu nous lisons : « Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 14). Cette Lumière c’est le Christ. Le Christ rempli de l’Esprit Saint, et qui nous le donne sans mesure.
Mais comment recevoir cette Lumière ? Comment s’y rendre participant ? Et bien commençons simplement. Nous sommes tous porteurs de cette Lumière, elle est en nous car l’Image du Christ est en nous également, nous sommes de petites flammes appelées à devenir un feu éclatant en Église, où tous ensemble nous formons le Corps transfiguré du Christ. A chaque instant de nos vies nous pouvons voir cette Lumière. De manière plus ou moins importante, intense, évidemment, mais elle est néanmoins présente. Mais où ? Partout ! L’Esprit Saint est partout présent et remplissant tout. Nous pouvons la voir dans le visage émerveillé d’un enfant, dans la beauté d’un lever de soleil en montagne, dans la douceur d’une goutte de rosée sur un brin d’herbe, dans la contemplation d’une cerise, dans la présence silencieuse de la brume, d’un sourire inscrit sur le visage de l’autre, de mon frère, de ma sœur, dans la conscience que la Création tout entière est porteuse de la présence de Dieu ! Dans toutes ces petites choses que nous banalisons malheureusement. L’orthodoxie est elle aussi remplie de la Lumière Transfigurée ! Dans les icônes, les vêtements et tissus liturgiques, les luminaires et bougies, sa théologie, sa spiritualité, …
Nous n’avons pas à nous emparer de cette Lumière, nous n’avons pas non plus à l’enfermer, à la faire nôtre. Nous devons la recevoir comme un Don du Seigneur, dans une ouverture de cœur. Je sais que c’est difficile, mais comme toute ascèse. Les Apôtres ont vécu cette ascèse en montant sur la montagne, l’ascension devait être difficile, lente, longue, incertaine, peut-être même dangereuse ! Peu importe, ils étaient avec le Christ. D’ailleurs l’ascèse est toujours une joie, même si nous avons envie de vivre le contraire et d’en faire une règle culpabilisante, l’ascèse est une joie parce qu’elle est vécue librement, par amour pour le Christ, pour approfondir notre relation avec Lui, pour purifier notre être, même si elle est difficile. Elle est difficile parce qu’elle vient révéler en nous ce que nous ne voulons pas forcément voir, et en ce sens l’ascèse est elle aussi lumière, si elle est vécue pour Dieu, humblement.
Voilà un petit chemin. N’essayons pas d’atteindre des sommets, de voir l’éclat de la Gloire de Dieu dans toute sa
splendeur ! Nous n’y survivrons pas. Et par nos propres forces nous n’irons nulle part, tout est Don. Dans les tropaires et kondakions de la fête, nous entendons : « Ils ont contemplés Ta Gloire autant qu’ils pouvaient le supporter ». La Lumière du Christ nous révèle l’Amour du Père, la Présence sanctifiante de l’Esprit, la pleine participation de notre corps à notre salut et révèle également nos ténèbres intérieurs. Mais jamais au-delà de ce
que nous pouvons supporter. Essayons de rendre Grâce à Dieu pour nos faiblesses, notre état actuel, de rendre Grâce de ne pas encore être purifié, que nous ne puissions pas nous voir ! On se plaint de ne pas être arrivés à tel ou tel état spirituel, de ne pas voir la Présence de Dieu, mais est-ce qu’on s’est posé la question de savoir si finalement ce
n’est pas pour mon bien, que ça fait partie de l’apprentissage de la vie en Christ ? Prenons l’exemple d’un bébé qui aimerais sûrement manger d’autres choses que de la purée ou des aliments mous, mais qui risquerait de s’étouffer ou de se mettre en danger si ce n’était pas le cas. Ses parents, eux, savent ce qui est juste pour lui et lui donnent en fonction de son développement, de sa croissance qui dure des années ! Il en va de même pour Dieu avec nous, ne soyons pas trop pressés. Ça peut paraître étonnant et pourtant .. On risquerait de se sentir pousser des ailes orgueilleuses qui ne finiront pas nous plonger dans des ténèbres plus obscures.
J’aimerais maintenant écouter la phrase de Dieu le Père dans la nuée lumineuse qui les entourent sur la montagne.
« Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui j’ai mis toute ma faveur, écoutez-le ! ».
Cette phrase est la même que lors du baptême du Christ dans le Jourdain ! A une exception près, celle de l’écoute. La Transfiguration est elle aussi une Théophanie, une manifestation de Dieu. Lors de notre baptême, il est demandé à Dieu de faire du catéchumène un fils/une fille de lumière, de l’appeler à la sainte illumination. Et nous chantons lors de la procession autour de l’Évangéliaire : « Nous tous qui avons été baptisés en Christ, nous avons revêtu le Christ, alléluia » ! Nous revêtons le Christ. Il est notre vêtement symbolisé par la tunique blanche, la tunique lumineuse, Il est notre vie, toujours avec nous. Nous sommes complètements immergés dans le bain de la régénération lors du baptême, nous sommes complètement immergés de la Lumière de l’Esprit lors de la communion à l’Eucharistie comme nous le chantons dans le chant après la communion. « Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste ». Toute notre existence est une préparation, une invitation à devenir transparents au Christ ! Que sa lumière puisse me traverser, d’où l’importance du travail de notre terre intérieure, de l’ascèse, de la purification du cœur. Nous avons des exemples avec certains saints comme Saint Séraphin de Sarov, Saint Syméon le Nouveau Théologien, chantre de la Lumière Divine, et bien d’autres.
Alors chers frères et sœurs, vivons chaque fête non comme un évènement isolé, mais comme une réalité quotidienne ! Expérimentons la vie en Christ, notre relation avec Lui à chaque instant en s’émerveillant des choses simples. Simple ne veux pas dire insignifiante, dans la simplicité se trouve la Majesté de Dieu. Vivons dans la Lumière
transfigurée du Christ en conscience de nos impuissances, de nos faiblesses, humblement, dans l’action de Grâce. Écoutons Dieu nous dire :
« Que la Lumière soit » et soyons la lumière du monde en témoignant de la Présence du Christ.
Amen