Homélie de La Dormition

Homélie du Père Jean-Michel- Dormition 28/08/2025 (Plumaudan

Frères et sœurs, 

Nous voici réunis aujourd’hui autour du Christ, mais aussi  particulièrement ce jour de sa Sainte Mère, qui est le trésor caché de  l’Église. Pourquoi le trésor caché ? Parce qu’elle a toujours été  discrète. Pour elle, il n’y a même pas eu besoin d’un concile comme il y en a eu beaucoup pour confirmer que le Christ est une personne  divine, l’un de la Sainte Trinité (y compris celui d’Ephèse, le 3e, même s’il la reconnaît de ce fait comme Mère de Dieu). 

La présente icône nous montre – avec la réunion autour le la Vierge  Marie d’apôtres pourtant déjà dispersés pour l’évangélisation, comme aussi de saints docteurs en fait pas encore nés – le consensus  durable de l’Eglise dans la compréhension de son rôle unique dans  l’histoire du salut. 

Il n’y avait donc pas d’hésitation dès l’origine de l’Église sur la place  qui lui revenait à la droite de son Fils, comme on le voit sur la Déïsis.  Mais non sans être passée par le même chemin que Lui, à savoir la  mort corporelle, quoique immédiatement reçue dans Ses bras ! 

En effet, comme il n’y avait en elle pas d’ombre pour repousser un  tant soit peu la lumière incréée de Dieu, elle pouvait alors entrer toute entière et d’emblée dans celle-ci. C’est pour cette raison que l’Église  a compris que même son corps de chair y était entré, c’est-à-dire  qu’elle n’avait pas besoin d’attendre la fin des temps pour cela, ayant  déjà réalisé tout ce que nous nous sommes appelés à accomplir sur  la voie de la sanctification (ce qui fut corroboré par la réouverture de  son tombeau vide). 

Alors que pour les autres saints, comme pour nous-mêmes qui  sommes appelés à les suivre dans l’effort de nous rapprocher de  Dieu, le chemin ne sera pas vraiment clos à notre mort corporelle,  parce que nous n’avons pas depuis la naissance la même perfection  d’âme que la Mère de Dieu. Une perfection qui n’était pas acquise automatiquement d’avance, comme cela sera dogmatisé ensuite en  Occident, par une naissance hors de notre humanité commune  héritière de la chute d’Adam. Non, c’est bien par ses efforts  personnels soutenus par la grâce, sa confiance en Dieu et son  écoute de Sa parole. 

Car « bénie soit celle qui a cru en l’accomplissement des paroles  qu’elle a entendues de la part du Seigneur » et qui a conformé sa vie  et son obéissance à ces paroles ! C’est là une vraie béatitude pour  celui ou celle qui écoute et garde vivantes en soi les paroles divines.  Or Marie a accueilli le Verbe de Dieu jusque dans sa chair et ensuite, quand son Fils a grandi, elle a recueilli Son enseignement en son  cœur où il s’est ancré profondément. 

Puis à la Pentecôte, même si on ne la voit pas sur toute les icônes de la fête parce que la place centrale y est toujours celle du Christ  invisiblement présent, toutes les traditions orales témoignent du fait  qu’elle était là parmi les apôtres. Et alors elle y a reçu  personnellement la plénitude du Saint-Esprit, parce que depuis son  enfance dans le temple, elle avait réservé toute son âme, tout son  esprit, tout son corps à l’accueil de cette lumière, sans aucune ombre pour s’en protéger, sans domaine réservé. 

Car même les grands saints gardent lors de leur dormition ne serait ce que quelques petites ombres. Et c’est pour cela qu’ils ont encore,  un chemin plus ou moins court à parcourir dans l’au-delà, enseignait  le père Serge Boulgakov. C’est pourquoi seule la Mère de Dieu se  tient à sa droite, parce qu’elle est le miroir parfait de la sainteté  divine. Mais non sans être passée aussi par des épreuves, car rien  ne se fait sans notre participation qui peut être douloureuse et en tout cas demande un effort. Rien n’est automatique car nous ne sommes  pas des ordinateurs plus ou moins bien programmés… 

Le juste Syméon l’avait prévenue, lors de la Sainte rencontre, qu’un  glaive lui transpercerait le cœur, ce qui n’est pas rien ! Et saint  Silouane du Mont Athos dira : « Priez, c’est donner son sang ! » Oui, prier, ce n’est pas dire seulement au Seigneur : « J’ai besoin de ceci  ou de cela ». Bien sûr, on peut formuler des demandes auxquelles le  Père répondra selon toutefois ce qui est vraiment bon pour nous (et  qu’on ignore souvent), au risque de nous décevoir. 

Mais accueillir la volonté de Dieu est souvent douloureux, car il faut  nous faut pour cela contrarier notre volonté. Or pour une mère, voir  son fils bien aimé mis à mort, que peut-il y avoir de pire ! Donc Marie  a été de la sorte comme crucifiée avec son Fils, et elle ne pouvait dès lors faire autrement que de suivre le chemin qu’il nous ouvert au  travers d’une porte étroite. Car nous a-t-il prévenu : « étroit et  resserré est le chemin qui mène à la vie » ! 

Quand on entre dans la basilique de Bethléem il faut se pencher, car  la porte est basse. Eh bien, pour entrer dans le royaume, il faut se  pencher et passer par la porte étroite de la mort corporelle. Et pour  franchir cette porte, il ne faut pas avoir trop de valises qui nous  encombreraient et nous empêcheraient de pénétrer dans le royaume, même si elles véhiculent de « bonnes œuvres » parfois génératrices  de vanité… 

Ainsi même ce qui semble être de bonne nature ou de bonne  intention, même cela, il faut accepter de s’en séparer pour aborder le  paradis dans une nudité originelle toutefois enrichie de l’expérience  humaine et spirituelle accumulée au cours de notre vie, laquelle  récapitule à notre échelle toute l’histoire de l’humanité. C’est pour  cela que chacun d’entre nous, les jeunes, les adolescents en  particulier, doivent revivre personnellement les choix fondamentaux.  Ce n’est pas les parents qui décideront à leur place. 

Ils leur ont souvent donné le meilleur qu’ils pouvaient leur donner  comme bagage, mais après chacun doit assumer le combat intérieur  d’un choix libre : est-ce que je prends ce chemin ou plutôt celui-là,  celui de gauche ou celui de droite ? Qu’est-ce que je vais faire ? Où  est le vrai bonheur? Où est la vraie joie ? Parce que tous, on cherche le bonheur. Mais souvent, on le cherche d’une très mauvaise  manière ! 

La Mère de Dieu, elle, a trouvé la vraie joie. Et le Christ voudrait que  cette joie soit parfaite aussi en nous, comme également source de  paix. Beaucoup de nos saints, y compris du XXe siècle comme le  staretz Ioann de Pskov, ont témoigné de ce qu’était cette joie et osé  dire, parce qu’ils l’avaient vécu ; et ce dernier de confier que c’était  dans les camps staliniens qu’il l’avait le mieux expérimenté car à  chaque instant il y sentait la présence de Dieu au plus profond de lui.  Et il avait survécu grâce à cela ! 

Alors ne maudissons pas les épreuves : elles peuvent devenir un  ressort si on les vit dans la foi ! Tandis que si ce n’est pas le cas,  elles peuvent au contraire nous écraser. Il ne faut pas les rechercher, ni les provoquer : elles arriveront à point nommé et ce que Dieu nous  donne alors, c’est la possibilité de les utiliser comme un tremplin pour nous réveiller, pour nous élever plus haut, pour nous faire rentrer plus profondément en nous. 

Et là, la Mère de Dieu sera à la fois une aide et une protection. Car  elle intercède pour nous, elle veille sur nous, elle est à côté de nous ;  elle nous montre son Fils qui est le vrai Chemin. Mais en plus de ça,  elle est le meilleur modèle à suivre. Car elle est comme nous une  personne humaine, mais qui a suivi jusqu’au bout la voie de la  « divinisation » comme disent les Pères, parce qu’elle a offert tout ce  qu’elle était – corps, âme et esprit – à la lumière de Dieu… 

Ainsi, tout ce qu’elle a vécu, tout ce qu’elle a fait peut devenir pour  nous une leçon et un modèle. Avec en premier lieu l’Humilité. Parce  que ce qui a perdu le monde, c’est l’orgueil que Satan a voulu  transmettre à l’humanité comme un mauvais virus sous toutes ses  formes : la vanité, l’amour de soi, la susceptibilité, la certitude que  nous seuls avons raison… 

La Mère de Dieu, elle, a écouté la Parole divine qui est descendue en elle, et y a porté du fruit ; elle a souffert avec le Christ, mais l’amour a transformé cette souffrance en joie. Parce que notre foi n’est pas une foi de la tristesse. Parfois, notamment en Occident, cette dimension  de la souffrance a été accentuée ou liée à la tristesse. Non, il n’y a  pas de volonté divine de nous imposer la tristesse ni même la  souffrance si on n’y avait contribué. 

D’ailleurs, la plus grande souffrance que nous pouvons constater  autour de nous, si on ouvre les yeux, est celle causée par des  hommes à d’autres hommes ! Mais Dieu permet qu’à travers cela et  malgré cela, un bien puisse en sortir. Ce qui est valable pour toutes  les épreuves, y compris la maladie, jusqu’au dernier acte de notre vie qui est la mort corporelle. 

Car pour une vie qui a été nourrie de lumière, ce passage se fera  dans la clarté et dans la joie ! Mais une vie qui aura été vécue dans  les ténèbres des passions causant la maladie de l’âme, cet ultime  moment sera affecté d’angoisse et de terreur. Il nous appartient  encore de faire le bon choix. Mais souvenons-nous bien : ce que la  Mère de Dieu a fait le plus, c’est de s’effacer. Ce qui ne veut pas dire  disparaître ! S’effacer pour que la lumière de Dieu, à travers elle,  touche tous ceux qui étaient et demeurent autour d’elle, toute l’Église  dont elle est le cœur mystique et secret, et dont le Christ est la tête. 

Et l’Église à la fin des temps, dans le royaume totalement accompli,  sera l’ensemble des saints, de ceux qui à travers les siècles se  seront laissés pénétrer par la lumière de Dieu, et qui composeront  dans l’unité retrouvée la personne même de l’Église, épouse de  l’Epoux divin. Mais en attendant que tous les hommes qui ont choisi  de se rapprocher de Dieu soient accueillis dans cette Communion  trinitaire, nous avons auprès de nous une personne déjà totalement  accomplie en Dieu, qui nous précède et nous accompagne : c’est  elle, Marie, la mère du Christ. 

Alors prenons modèle sur elle qui était parfaitement humaine, mais  qui est devenue aussi parfaitement divine par son illumination, par  son accueil inconditionnel de la lumière de Dieu. Et imitons son humilité, son effacement à elle qui reste néanmoins toujours  présente : « Dans ta Dormition, tu n’as pas abandonné le monde, ô  Mère de Dieu », nous enseigne le tropaire de la fête. Un effacement  qui ne veut donc pas dire absence. Car la Toute Sainte reste ainsi  plus présente que jamais, car comme son Fils elle est affranchie des  limites de l’espace et du temps qui sont encore les nôtres. Et elle  rejoint le cœur de tous ceux qui cherchent Dieu avec ferveur et  suivent le chemin que nous a ouvert l’Agneau, Celui qui enlève le  péché du monde !

Amen.

Archiprêtre Jean-Michel Sonnier

Père Jean-Michel Sonnier- le 28/08/2025 Homélie sur La Dormition

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