Homélie: Jaïre et la Femme hémorroïsse – 23/11/2025
Lecture de l’Évangile selon saint Luc (Lc VIII,41-56)
Et voici, qu’un homme, nommé Jaïrus, qui était chef de la synagogue, vint au devant de Jésus. Il se jeta à ses pieds, et le supplia d’entrer dans sa maison, parce qu’il avait une fille unique d’environ douze ans qui se mourait. Pendant que Jésus y allait, il était pressé par la foule. Or, il y avait une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans, et qui avait dépensé tout son bien pour les médecins, sans qu’aucun ait pu la guérir. Elle s’approcha par derrière, et toucha le bord du vêtement de Jésus. Au même instant la perte de sang s’arrêta. Et Jésus dit : « Qui m’a touché ? » Comme tous s’en défendaient, Pierre et ceux qui étaient avec lui dirent : « Maître, la foule t’entoure et te presse, et tu dis : Qui m’a touché ? » Mais Jésus répondit : « Quelqu’un m’a touché, car j’ai connu qu’une force était sortie de moi. » La femme, se voyant découverte, vint toute tremblante se jeter à ses pieds, et déclara devant tout le peuple pourquoi elle l’avait touché, et comment elle avait été guérie à l’instant. Jésus lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix. » Comme il parlait encore, survint de chez le chef de la synagogue quelqu’un disant : « Ta fille est morte ; n’importune pas le maître. » Mais Jésus, ayant entendu cela, dit au chef de la synagogue : « Ne crains pas, crois seulement, et elle sera sauvée. » Lorsqu’il fut arrivé à la maison, il ne permit à personne d’entrer avec lui, si ce n’est à Pierre, à Jean et à Jacques, et au père et à la mère de l’enfant. Tous pleuraient et se lamentaient sur elle. Alors Jésus dit : « Ne pleurez pas ; elle n’est pas morte, mais elle dort. » Et ils se moquaient de lui, sachant qu’elle était morte. Mais il la saisit par la main, et dit d’une voix forte : « Enfant, lève-toi. » Et son esprit revint en elle, et à l’instant elle se leva ; et Jésus ordonna qu’on lui donnât à manger. Les parents de la jeune fille furent dans l’étonnement, et il leur recommanda de ne dire à personne ce qui était arrivé.
Au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit
L’Evangile d’aujourd’hui, est d’une profondeur insondable. Comme chaque Evangile d’ailleurs, toujours remplis de fraîcheur spirituelle, de chemins de guérisons, de rencontre avec Dieu, avec le Christ.
J’aimerais m’attarder sur cette femme aujourd’hui, même si ici il est question de la demande de guérison de deux personnes, que tout dans ce monde oppose. L’un est chef de synagogue, respecté, reconnu en société, considéré comme religieux, croyant, figure d’autorité et s’approche en face du Christ, avec confiance et espérance. L’autre est rejetée depuis 12 ans, considérée comme impure, méprisée, ignorée, et s’approche par derrière lui, mêlée à la foule, avec indignité et humilité.
Mais qu’est ce qui les relie ? Pourquoi sont-ils entrecroisés dans cet Evangile ?
Ils sont tout deux enfants aimés de Dieu, ils souffrent tout les deux et ils ont tout les deux une foi vivante.
Le Christ ne regarde pas au « rang des personnes ». Il est « Bon pour les ingrats et les méchants » et « Il fait lever le soleil sur les justes et les injustes ». Toutes nos préoccupations du monde qui prennent trop d’importance n’ont pas leur place auprès de Dieu. Nous sommes appelés à être et non à paraître.
On voit ici qu’il y a deux démarches de foi, deux motivations pour crier intérieurement vers Jésus. Celle d’un père qui désire sauver son enfant et celle d’une femme qui désire être sauvée, elle.
On peut donc apprendre que lorsqu’on prie pour les autres, la confiance, l’espérance sont les moteurs de notre demande, le cœur même de cette prière étant l’amour du prochain, au-delà de sa propre personne. Le père aime son enfant plus que lui-même !
(Histoire Saint Jean de Cronstadt guérison, volonté de Dieu)
Et quand nous prions pour nous-même, bien sûr il y a la confiance et l’espérance, mais ce qui ressort principalement ici est l’indignité et l’humilité. Indignité par que cette femme saisit la force de l’Amour divin, la Présence de l’Esprit Saint qui rempli le Christ, elle le saisit même peut-être inconsciemment mais elle est irrésistiblement attirée, sachant qu’elle peut trouver la guérison. Et devant cette force, elle se sent infiniment petite, « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur » « Seigneur, sans Toi, je ne peux rien faire. ». Et humble parce que toute son espérance et placée dans un geste d’une simplicité extraordinaire, toucher la frange de son vêtement ! Même pas le Christ lui-même, seulement son manteau. Comme la femme cananéenne qui désire se contenter uniquement des miettes qui tombent de la table.
Elle ne se dis pas « si je lui touche les mains, le visage, je recevrai une plus grande Grâce », on tomberait dans la superstition, elle se contente d’un bout de tissu. On aperçoit d’ailleurs le lien avec nos reliques, imprégnées de la Grâce de Dieu pour qui approche avec foi.
Instantanément elle se trouve guérie. Comme c’est merveilleux ! Mais la réaction de Jésus est étonnante ! « Qui m’a touché ? ». Alors qu’il y avait urgence pour sauver la fille de Jaïre, il choisit quand même de prendre ce temps.
Il y avait toute une foule autour de Lui, chacun essayant de le toucher pour avoir sa part de miracle, avec parfois une intention douteuse « juste pour voir », parfois avec authenticité, parfois avec un esprit de calcul égoïste pour juste prendre.
Dieu donne tout gratuitement. La Grâce gratuite comme le disait le starets Thadée. Mais pour qu’il y ait une relation, un dialogue, le mouvement de don doit se faire dans les deux sens, pour qu’il y ait une rencontre ! A nous de nous donner, de donner de notre vie, de notre temps, de notre énergie pour rendre Grâce, louer Dieu, l’aimer, en fait simplement Le prier.
Au milieu de cette foule, le Christ sens que « quelqu’un l’a touché ». Qu’est ce qui différencie la femme hémorroïsse des autres ?
Elle a approché avec une conscience pure. Elle a approché le Christ librement, volontairement avec un désir intérieur d’être renouvelée, purifiée, un désir authentique qui changera sa vie. Peut-être que par la suite elle vivra une vie sainte, tournée vers les autres, parce qu’elle en était incapable avant, ayant elle-même besoin d’aide.
Par ce geste également particulier, elle « prend » ce que Dieu peut lui donner, par derrière, sans chercher à se faire connaître, à se faire voir. Elle emprunte une voie dérobée, elle n’entre pas dans la guérison par la Porte, qui est le Christ, et vous connaissez bien la parole de l’Evangile : « Moi je suis la Porte, si quelqu’un entre par Moi, il sera sauvé. ». Ce « quelqu’un » … Même expression que quand Il dit, « Quelqu’un m’a touché ». Le Christ sait bien qui l’a touché, il connaît cette femme, mais il l’invite ici à rentrer dans le Royaume par Lui, d’où son désir de faire naître à la lumière le visage de l’hémorroïsse.
Autre fait étonnant, Il dit « J’ai sorti qu’une force était sortie de moi ». Comment c’est possible ?
Cette femme perdait depuis douze ans son flux vital, son énergie de vie. Le Christ est Lui de son côté la Source, le Pain de Vie. En approchant de Lui et en touchant avec foi la frange de son vêtement, elle a retrouvé la vraie source de sa vie ! Pendant douze ans elle s’est tournée vers l’aide terrestre, et voici qu’ici et maintenant elle vient d’accomplir en elle par la Grâce de Dieu l’union de la chair et de l’Esprit. Elle a retrouvé son humanité profonde. L’Homme, rappelez-vous, est créé à l’Image de Dieu et a Sa ressemblance, il est créé un, corps-âme-esprit. Capable de spiritualité, appelé à être divinisé en se faisant rien pour que le Christ soit Tout en nous.
Je suis émerveillé de la profondeur d’un geste si simple que celui accompli par cette femme.
Elle a osé ! Et comme un poème de mon Père spirituel le dit : « Si j’ai peur d’oser, j’ai encore plus peur de ne pas oser ».
Et quand elle se sent découverte, elle se trouve maintenant en face du Christ, toute tremblante, et lui explique avec crainte ce pourquoi elle a agi ainsi. Crainte ici ne signifie pas « peur » mais c’est avoir conscience de sa fragilité, de sa petitesse devant Dieu.
Le Christ lui répond : « Ma fille, ta foi t’a sauvé, va en Paix ». C’est la foi qui nous sauve, et la foi est un don de Dieu à ceux qui la désire. En plus de la guérison, Jésus lui offre la Paix, lui donnant plus que ce qu’elle avait souhaité.
Et nous alors ? Tout est bien beau mais comment le vivre ? Comment l’intégrer ?
Eh bien … Pourquoi êtes-vous venus ici aujourd’hui ?
Comment on peut nous aussi toucher le Christ ?
Par l’Evangile, par les Sacrements, par la Sainte Eucharistie, la Communion ! Il y a même plus ici, nous demeurons en Lui et Lui en nous ! Est-ce qu’on en a réellement conscience ?
Alors tout à l’heure, approchons-nous en face du Christ avec humilité, avec crainte de Dieu, foi et amour ! Approchons pour Lui donner notre vie, et recevoir la Sienne, l’Esprit donateur de Vie. Ne craignons pas notre indignité, parce que c’est notre indignité qui nous rend dignes.
Amen