Homélie Vignerons homicides 07/09/2025
Lecture de l’Évangile selon saint Jean(Mt XXI,33-42)
« Jésus dit cette parabole. « Il y avait un homme, maître de maison, qui planta une vigne. Il l’entoura d’une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour ; puis il la donna en fermage à des vignerons, et quitta le pays. Lorsque le temps de la récolte fut arrivé, il envoya ses serviteurs vers les vignerons, pour recevoir le produit de sa vigne. Les vignerons, s’étant saisis de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et lapidèrent le troisième. Il envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers ; et les vignerons les traitèrent de la même manière. Enfin, il envoya vers eux son fils, en disant : “Ils auront du respect pour mon fils”. Mais, quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux : “Voici l’héritier ; venez, tuons-le, et emparons-nous de son héritage”. Et ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne, et le tuèrent. » Maintenant, lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui répondirent : « Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d’autres vignerons, qui lui en donneront le produit au temps de la récolte. » Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Écritures : “La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs, c’est elle qui est devenue la pierre angulaire ; c’est là l’œuvre du Seigneur : elle est admirable à nos yeux” ? »
Au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit
Aujourd’hui nous lisons ce passage de l’Évangile qui illustre ce que le Christ à vécu, ce que les prophètes ont vécu avant Lui. Qui est une des trois paraboles dites par Jésus devant les Grands Prêtre et les Anciens du peuple qui remettent en question l’autorité du Christ. Le Christ parle avec autorité parce qu’il vit réellement ce qu’il transmet,
autorité dans ce sens de « faire grandir » et non d’asservir ou d’écraser.
Comment est-ce que nous accueillons notre prochain ?
Comment mon frère, ma sœur, mon voisin existe pour moi ?
Quelle est mon attitude envers Dieu dans mon quotidien ?
Voilà quelques questions qui peuvent naître de cet Évangile d’apparence plutôt clair et évident, mais qui finalement, comme chaque Évangile, est d’une profondeur insondable.
Dans le quotidien nous croisons une multitude de gens, plus ou moins en fonction de nos activités de chaque jour. Ces personnes sont souvent simplement des individus, des étrangers, extérieurs à moi, hors de mon cercle familial, de mon cercle d’amis. Ce sont des êtres qui croisent mon chemin, parfois il y a un échange mais rien de plus.
Parfois même ce sont des obstacles à contourner sur ma route, qui me gênent.
Est-ce que nous avons réellement conscience que ces personnes sont aimées de Dieu au point qu’Il les ait « amenés à l’existence du néant à l’être » ? Qu’Il est mort sur la Croix pour eux, comme pour nous ?
Dieu nous a créés à Son Image et à Sa Ressemblance, et chaque personne sur Terre en est porteur en venant au monde, au-delà de toute religion.
Le Christ dans les Évangiles accueille tout ceux qui viennent à Lui comme des personnes existant telles qu’elles sont réellement, telles qu’elles ont été créées. Il les connaît et les voit véritablement au-delà de tout, comme il nous voit et continue de voir chaque personne humaine. Malgré tous les voiles et la crasse qui recouvrent notre cœur, notre âme, rien n’est assez grand pour faire obstacle à la Miséricorde de Dieu, rien n’est assez important pour faire disparaître l’Image de Dieu en nous. C’est d’ailleurs pour cela que le Christ est si sévère avec l’hypocrisie, parce qu’elle fait de nous des pantins masqués, dominés par le désir de bien paraître en ce monde. Ce sont ces mêmes masques qui seront fracassés en tombant sur la Puissance infinie de l’Amour de Dieu, sur la pierre d’angle, qui nous illumine jusqu’au plus profond de notre cœur, dans des parties que nous aimerions garder cachées. Et ce sont ces mêmes masques
hypocrites qui seront écrasés par le venue du Christ dans nos vies.
Cette image de Dieu en nous est révélée dans notre relation avec le Christ. « Je suis noire, mais je suis belle » nous dis le Cantique des Cantiques, hymne merveilleuse de l’union profonde de notre âme avec l’Epoux.
Essayons-nous aussi d’entrer en relation avec notre prochain. Non que nous devions aller rencontrer chaque personne et tous savoir d’elle, mais simplement d’avoir conscience de la Présence de Dieu dans tout ceux que nous croisons, de les reconnaître en tant que personnes, et non plus comme des étrangers hostiles. On éviterait bien des jugements, jugements qui justement enferme l’autre, ne lui laisse pas la possibilité de devenir enfant de Dieu, lui ferme la porte au moindre faux pas. Il faut condamner l’acte, non la personne.
En somme essayons de porter sur notre prochain le même regard d’amour que le Christ à porté sur les plus petits, les plus pécheurs. Nous avons reçu de Dieu le don d’aimer inconditionnellement, mettons-le en pratique.
N’imitons pas les vignerons qui cherchent à s’approprier les dons de Dieu en tuant et frappant tous ceux qui se sont approchés pour recevoir les fruits de cet Amour, en allant jusqu’à tuer le Fils pour recevoir l’héritage. Rien ne nous appartient en propre, tout est Don ! Et nous savons que comme l’Évangile de la multiplication des pains, les dons de
Dieu se multiplient et donnent des fruits, tantôt trente, tantôt soixante, tantôt cent. Bien sûr il y a tout un travail intérieur de purification, de désir, d’ascèse, un travail d’émondage pour porter du fruit. La terre doit être ensemencée, travaillée, recevoir de l’engrais, du terreau fertile, le plan de vigne doit être taillé avec conscience, aimé,
protégé. Le chemin est long, parfois douloureux, mais nécessaire, on ne vit pas la Résurrection avant d’être passé par la Croix, mais toujours dans une dimension d’Amour et de liberté, jamais par contrainte ou culpabilité.
A la fin du passage de l’Évangile, le Christ nous parle de la pierre d’angle rejetée par les bâtisseurs. Nous sommes appelés à bâtir le Corps du Christ, l’Eglise, nous sommes appelés à bâtir la chambre nuptiale de notre cœur, le Temple du Saint Esprit.
Pour cela il faut partir de la pierre d’angle, le Christ. Il est le point de départ de toute fondation solide. Les pierres angulaires sont les premières à être posées dans la construction d’un bâtiment, la pierre doit être parfaitement taillée pour pouvoir accueillir toutes celles qui viendront par-dessus, afin que le mur soit stable, solide, harmonieux. Les pierres s’aiment entre elles pour former un tout, reposant sur la pierre d’angle, de même aimons-nous les uns les autres et reposons-nous sur la Source de cet Amour, le Christ ! Cette pierre d’angle, c’est le Christ en nous.
Lorsque nous sortirons en paix de l’église, remplis de la Présence de l’Esprit en nous, souvenons-nous que tous ceux que nous croisons existent véritablement pour Dieu, essayons de garder avec conscience la Présence du Christ en chaque être humain, aussi petite soit-elle et portons le monde par la prière afin, dans la continuité de la
prière du Saint staretz Silouane nous disions : « que tous puissent Te connaître par Ton Saint Esprit. »
Amen